Les Piliers de la Terre
bâclée
d’Angleterre. Mais oui, nous pouvons y arriver. »
Philip se
tourna vers Richard. « Vous avez vu toutes sortes de batailles. Avec une
muraille, pouvons-nous réellement résister à William ?
— Assurément,
répondit Richard. Il compte sur un raid éclair, il ne s’attend pas à un siège.
S’il tombe sur une ville fortifiée, il perdra ses moyens… »
Philip
enfin se tourna vers Aliena. « Vous faites partie des plus vulnérables,
avec un enfant à protéger. Qu’en pensez-vous ? Devrions-nous fuir dans la
forêt en espérant que William ne nous y pourchassera pas, ou bien rester ici et
élever une muraille pour l’empêcher d’entrer ? »
Jack
guettait sa réponse.
« Ce
n’est pas une simple question de sécurité, répondit Aliena après un moment de
silence. Philip, vous avez consacré votre vie à ce prieuré. Jack, la cathédrale
est ton rêve. En fuyant vous perdrez tout ce qui fait votre vie. Quant à moi…
Eh bien, j’ai une raison particulière de vouloir résister à la puissance de
William Hamleigh. Je dis qu’il faut rester.
— Très
bien, conclut Philip. Bâtissons une muraille. »
A la nuit
tombante, Richard et Philip, munis de lanternes, parcoururent les limites de la
ville pour décider de l’emplacement où l’on élèverait la muraille. La ville,
située sur une petite colline, était bordée par la rivière sur deux côtés. Les
berges étaient trop meubles pour soutenir un mur de pierre sans solides
fondations, aussi Jack proposa-t-il d’édifier là une palissade en bois. Richard
approuva : l’ennemi ne pourrait pas attaquer, sauf de la rivière, ce qui
était presque impossible.
Sur les
deux autres lianes, certaines sections du mur ne seraient que de simples
remblais sur fossés. Richard assura que ce serait efficace là où le terrain en
pente obligeait l’ennemi à attaquer en montant. Toutefois, un mur de pierre
serait indispensable sur le terrain plat.
Jack fit
le tour du village, pour rassembler ses bâtisseurs, les tirant de leurs maisons
– parfois de leurs lits – ou de la taverne. Il leur expliqua l’urgence de la
situation et comment la ville allait l’affronter ; puis il affecta à
chaque homme une partie de la muraille : la palissade aux charpentiers, le
mur de pierre aux maçons et les remparts aux apprentis et aux manœuvres. Il
demanda à chaque responsable de marquer son secteur avec des piquets et de la
corde avant d’aller se coucher en réfléchissant à la meilleure façon de faire.
Bientôt le périmètre de la ville se dessina – ligne en pointillé de lumières
vacillantes : c’étaient les artisans qui faisaient leurs tracés à la lueur
des lanternes. Le forgeron alluma son feu et se prépara pour passer le restant
de la nuit à fabriquer des pelles. Seuls les moines, qui étaient allés se coucher
à la tombée du jour, dormaient encore dans une bienheureuse ignorance.
Mais à
minuit, alors que les artisans terminaient leurs préparatifs et que la plupart
des habitants s’étaient retirés pour discuter en chuchotant des nouvelles sous
les couvertures, les moines étaient à leur tour bien réveillés. On abrégea
l’office et on leur distribua du pain et de la bière au réfectoire, tandis que
Philip leur donnait ses instructions. Ils seraient les organisateurs du
lendemain. On les répartit en équipes, chacune travaillant sous les ordres d’un
bâtisseur qui surveillerait le creusement, le déblaiement, les transports. Leur
priorité, souligna Philip dans son discours, était de s’assurer que le
bâtisseur fût constamment approvisionné en matériaux : pierres et mortier,
madriers et outils.
Pendant
que Philip parlait, Jack se demandait ce que faisait William Hamleigh.
Earlscastle était à une bonne journée de cheval de Kingsbridge, mais William ne
ferait pas le trajet en un jour, car son armée arriverait épuisée. Ils partiraient
ce samedi matin au lever du soleil. Ils ne chevaucheraient pas tous ensemble,
mais séparément, et dissimuleraient leurs armes et leurs armures pour éviter de
donner l’alarme. Ils se regrouperaient discrètement dans l’après-midi, à un
endroit situé à une heure ou deux de Kingsbridge, sans doute au manoir d’un des
plus gros fermiers de William. Dans la soirée, ils boiraient de la bière,
affûteraient leurs lames et se raconteraient d’horribles histoires sur leur
précédent triomphe : des histoires de jeunes gens mutilés, de
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