Les Piliers de la Terre
vieillards
piétinés sous les sabots des destriers, de filles violées et de femmes
sodomisées, d’enfants décapités et de bébés jetés sur la pointe des épées.
Demain matin dimanche, ils attaqueraient. Cette fois, nous allons les arrêter,
se dit Jack. Mais il tremblait de peur.
Chaque
équipe de moines repéra sa section de mur et sa source de matériaux. Puis,
quand la première lueur de l’aube fit pâlir l’horizon à l’est, ils firent la
tournée du quartier qu’on leur avait assigné, frappant aux portes et réveillant
les habitants tandis que la cloche du monastère sonnait avec insistance.
Au lever
du jour, l’opération était lancée. Les jeunes gens et les femmes assuraient le
gros œuvre, tandis que les aînés apportaient les vivres et la boisson, et que
les enfants faisaient les courses et transmettaient des messages. Jack ne
cessait de parcourir le chantier, surveillant avec angoisse les progrès du
travail. Il s’assurait que les différentes sections de la muraille s’uniraient
en une jointure bien nette. Il plaisantait, souriait et ne cessait d’encourager
les travailleurs.
Le soleil
monta dans un ciel tout bleu. La journée allait être chaude. La cuisine du
prieuré fournit des barils de bière, que Philip ordonna de couper d’eau. Jack
approuva, car les gens qui travaillaient beaucoup boiraient abondamment et il
ne voulait pas les voir s’endormir.
Malgré le
terrible danger, il régnait une étonnante atmosphère d’allégresse : les
gens avaient l’air d’oublier le péril qui était la raison même de toute cette
activité. Toutefois Philip repéra quelques habitants qui quittaient
discrètement la ville. Ou bien ils allaient tenter leur chance dans la forêt
ou, plus probablement ils se rendaient chez des parents dans les villages
voisins qui leur donneraient l’hospitalité.
A midi,
Philip fit de nouveau sonner la cloche et le travail s’interrompit pour le
dîner. Le prieur fit l’inspection de la muraille avec Jack pendant que les
travailleurs se restauraient. Malgré leurs efforts, ils n’avaient guère
progressé. La muraille avait tout juste atteint le niveau du sol, les remparts
de terre n’étaient encore que des monticules et il y avait de grandes brèches
dans la palissade en bois.
A la fin
de la tournée, Philip s’inquiéta : « Aurons-nous terminé à
temps ? »
Jack, qui
s’était volontairement montré joyeux et optimiste toute la matinée, retrouva sa
gravité. « A ce rythme-là, non, répondit-il.
— Comment
pouvons-nous accélérer les choses ?
— La
seule façon de bâtir plus vite, c’est de bâtir plus mal.
— Alors
bâtissons plus mal… mais comment ? »
Jack
réfléchit. « Pour le moment, nous avons des maçons qui construisent les
murs, des charpentiers qui dressent des palissades, des manœuvres qui font des
travaux de terrassement et des habitants de la ville qui vont chercher les matériaux
et qui les transportent. Or la plupart des charpentiers sont capables de
construire un mur droit et les manœuvres d’ériger une palissade. Alors
demandons aux charpentiers d’aider les maçons, chargeons les manœuvres de
construire les palissades et commandons aux habitants de creuser le fossé et
d’élever les remblais. Dès que tout cela tournera, les plus jeunes moines,
déchargés de l’organisation, pourront aider aux gros travaux.
— Très
bien. »
Ils
donnèrent les nouvelles instructions tandis qu’on terminait le dîner. Non
seulement ce serait le mur le plus mal construit d’Angleterre, se dit
Jack ; ce serait sans doute aussi celui qui tiendrait le moins longtemps.
S’il était encore debout dans une semaine, ce serait un vrai miracle.
Au cours
de l’après-midi, la fatigue commença de gagner les gens, surtout ceux qui
avaient veillé toute la nuit. L’atmosphère de liesse se dissipa et les
travailleurs poursuivirent leurs efforts avec acharnement. Les murailles
s’élevèrent, le fossé se creusa et les brèches commencèrent à se combler. Tout
le monde s’arrêta pour souper, tandis que le soleil déclinait à l’ouest, puis
on se remit à l’ouvrage.
A la
tombée de la nuit, le mur n’était pas terminé.
Philip
instaura un tour de veille, ordonna à tous, sauf aux gardes, de prendre
quelques heures de sommeil et dit qu’il ferait sonner la cloche à minuit. Les
gens, épuisés, allèrent se coucher.
Jack se
rendit à la maison d’Aliena. Richard et elle étaient toujours
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