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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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s’il
vous plaît », annonça Philip d’une voix ferme. Tandis que commençaient les
prières pour les morts, le prieur se demandait ce que le roi Henry avait à
annoncer au prieuré de Kingsbridge. Sûrement pas de bonnes nouvelles. Le roi,
depuis six longues années, était à couteaux tirés avec l’Église. La querelle
avait éclaté à propos de la juridiction des tribunaux ecclésiastiques.
L’entêtement du roi et le fanatisme de l’archevêque de Canterbury, Thomas
Becket, empêchant tout compromis, la discussion avait tourné à la crise.
Becket, depuis, vivait en exil.
    L’Église
d’Angleterre, hélas, n’apportait pas au prélat un soutien unanime. Certains
évêques, dont Waleran Bigod, avaient pris le parti du roi dans l’espoir d’une
faveur en retour. Quant au pape, il harcelait Henry pour qu’il signe la paix
avec Becket. La pire conséquence du conflit, c’était que par besoin de trouver
un appui au sein de l’Église d’Angleterre, Henry donnait à des évêques avides
de pouvoir comme Waleran une influence de plus en plus grande à la Cour. Dans
ces conditions, une lettre du roi avait tout pour inquiéter Philip.
    De retour,
Jonathan tendit à Philip un rouleau scellé par un cachet de cire portant la
marque du sceau royal. Les moines avaient interrompu leurs prières pour suivre
attentivement les événements. Philip estima que dans ces circonstances c’était
trop demander que de se consacrer aux prières à la mémoire des morts.
« Nous reprendrons les prières tout à l’heure », déclara-t-il. Puis
il brisa le sceau et ouvrit la lettre. Il n’y jeta qu’un coup d’œil avant de la
tendre à Jonathan dont les jeunes yeux étaient meilleurs que les siens. « Lis
tout haut, je te prie. »
    Après les
salutations d’usage, le roi écrivait : « Comme nouvel évêque de
Lincoln, j’ai nommé Waleran Bigod, actuellement évêque de Kingsbridge… »
La voix de Jonathan disparut dans le bourdonnement de commentaires qui
accueillit ces paroles. Philip secoua la tête, dégoûté. Waleran avait perdu
toute crédibilité dans la région depuis les révélations faites au procès de
Philip. Comment pouvait-il conserver son titre d’évêque ? Comment avait-il
obtenu que le roi le nomme à Lincoln – un des plus riches évêchés du
monde ? Lincoln était le troisième diocèse du royaume, après Canterbury et
York. De là, il n’y avait plus qu’un tout petit pas vers l’archevêché. Henry
préparerait-il Waleran à remplacer Thomas Becket ? Waleran, archevêque de Canterbury,
chef de l’Église d’Angleterre ! Philip en était malade.
    Une fois
la première réaction des moines passée, Jonathan poursuivit : « … et
j’ai recommandé au doyen et au chapitre de Lincoln de l’élire ». Ma foi,
songea Philip, c’est plus facile à dire qu’à faire. Une recommandation royale
n’était pas exactement un ordre. Si le chapitre de Lincoln s’opposait à
Waleran, ou si les moines avaient leur candidat, le roi aurait à batailler. Il
finirait par l’emporter sans doute, mais pas sûrement.
    « Le
chapitre du prieuré de Kingsbridge, continua Jonathan, tiendra une élection
pour désigner le nouvel évêque de Kingsbridge. Je vous recommande d’élire à ce
poste mon fidèle serviteur Peter de Wareham, archidiacre de Canterbury. »
    Un cri
d’indignation unanime monta de l’assemblée des moines, Philip se sentait glacé
d’horreur. Cet arrogant, ce rancunier, ce pharisien d’archidiacre Peter, tel
était le choix du roi pour Kingsbridge ! Peter était exactement le même
genre d’homme que Waleran : d’une piété sincère et craignant Dieu, ils ne
doutaient jamais d’eux-mêmes, si bien qu’ils identifiaient leurs propres
volontés à la volonté divine ; en conséquence, ils ne reculaient devant
aucun moyen pour atteindre leur but, impitoyablement. Avec Peter comme évêque,
Jonathan passerait sa vie de prieur à se battre pour la justice et la décence
dans un comté gouverné d’une main de fer par un homme sans cœur. Et si Waleran
devenait archevêque, ce serait pire.
    Philip
voyait venir une longue période sombre, aussi douloureuse que la guerre civile,
où des comtes comme William imposeraient leurs caprices, tandis que des prêtres
orgueilleux mépriseraient leur devoir de charité. Le prieuré, une fois de plus,
subirait une oppression qui l’affaiblirait et l’appauvrirait. Cette pensée le
hérissait.
    Il n’était
pas le

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