Les Poilus (La France sacrifiée)
s’agglutinent autour d’une voie de chemin de fer étroite où un major a l’idée d’utiliser les wagonnets pour évacuer son monde sous le feu des canons ennemis. On arrive enfin à l’hôpital de campagne où l’on évacue les transportables sur Aubigny par ambulance automobile. Pour Bouvereau, c’est la fin de l’offensive.
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Ils sont déjà des dizaines de milliers dans son cas, évacués vers les hôpitaux de l’arrière ou abandonnés entre les lignes. Les 20 e , 17 e et 33 e corps ont attaqué de conserve, le 9 mai, après une efficace préparation d’artillerie, soutenue par des observations d’aviation. Les officiers artilleurs avancés dans les tranchées d’assaut ont bien renseigné les chefs de pièce. Ils ont dégagé les obstacles. Mais les pertes éprouvées au premier jour par le 17 e corps sont lourdes. Les régiments de Cahors (7 e ), de Mirande (88 e ) et de Montauban (11 e ) ont perdu tous leurs officiers dont le colonel Mahéas surnommé l’Invulnérable. Ils n’ont guère pu progresser. Au premier jour, les tirailleurs de la division marocaine se sont emparés des Ouvrages blancs, investi Carency avec les chasseurs et les fantassins du corps Pétain. Près de trois batteries ennemies sont prises, des dizaines de mitrailleuses, 1 500 prisonniers. Le 20 e corps de Nancy a conquis La Targette et Neuville-Saint-Vaast au prix de lourdes pertes pour cette unité d’élite. Les Français pourront-ils se maintenir sur les positions conquises ?
Dans le Nord, une chaude affaire a été engagée par Foch et Guignabaudet, du corps d’armée Curé, devant Loos, en collaboration avec les Anglais de La Bassée, en complément d’offensive. Le 90 e de Châteauroux y a perdu sans résultat 700 hommes et 300 le 114 e de Parthenay : des soldats qui, pour la plupart, n’avaient encore pas vu le feu.
Les chasseurs de Langres se sacrifient, avec une brigade de spahis, pour s’emparer, dans le pays minier des Ouvrages blancs, d’un bastion avancé fortement fortifié à l’ouest d’Angres, près de la fosse Calonne. Sur un front de deux cents mètres sans abri aucun, les chasseurs attaquent à découvert, mitraillés par les Allemands, bombardés par les canons installés dans les fosses de Liévin. Les grenadiers et mitrailleurs occupent la position par surprise, suivis par les spahis et les territoriaux qui l’organisent aussitôt. Mais la mort du commandant Madelin mine le moral des assaillants contre-attaques à la grenade et bientôt privés de leurs officiers. Les spahis résistent toute la nuit dans les entonnoirs aux contre-attaques lancées à la lumière de fusées éclairantes. Les Français ne pouvaient conserver que le sud de l’ouvrage. Le bataillon de chasseurs avait perdu la moitié de son effectif, les spahis comptaient plus de cent tués, dont le capitaine Paoli, un brave des braves. Aucun feu d’artillerie n’avait soutenu l’opération.
L’attaque continuait sur le front de Carency le 11, mais elle était arrêtée par le canon. Pourtant les positions conquises sont plus ou moins gardées. Pétain reste sceptique, malgré la vaillance de ses soldats : les Allemands ont établi devant son corps une nouvelle organisation très forte. Surtout leur artillerie lourde ne peut être atteinte par les pièces de campagne françaises et « enfile complètement le terrain des attaques ».
Malgré le renforcement par Joffre du parc des canons de gros calibre, les anciens de la bataille de mars assistent donc à une réédition de l’échec de la première offensive, mieux préparée, plus ample en moyens, mais tout aussi meurtrière. Carency en ruine est repris plusieurs fois, comme la chapelle de Notre-Dame-de-Lorette, où viennent mourir les fantassins du 21 e de Langres.
Pourtant, le 14 mai, après cinq jours de bataille indécise, Joffre ordonne de continuer, et de s’emparer à toute force de la « grande crête » de Givenchy à Bailleul, passant par Vimy. Là doit se situer la percée, au plus fort des défenses ennemies. Comme en Champagne, il organise la noria des divisions, en envoie immédiatement deux en renfort. 26 000 hommes jetés dans la fournaise. Il ordonne à d’Urbal de combattre de jour et de nuit avec la même intensité.
Les morts sont si nombreux que, le 15 mai, son état-major ordonne de s’organiser par des travaux incessants sur les positions conquises pour préparer une nouvelle avance. L’attaque ne pourra pas reprendre avant dix
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