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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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Flandres. Il se voit déjà à Fleuras et à Waterloo. Au 20 e corps, Balfourier présente à Poincaré le 26 e de Nancy et le 2 e bataillon de chasseurs, où le président a servi. Il y est reçu fraternellement.
    Les troupes destinées à l’offensive sont l’élite de l’armée ou de nouvelles divisions qui n’ont pas connu l’immobilité des tranchées. On augure bien du moral des attaquants malgré l’échec de l’opération sur la Woëvre d’avril, dont le sanglant résultat est la seule occupation de la butte des Eparges. Les attaques prévues, retardées par le mauvais temps, doivent ouvrir un front de quinze kilomètres entre Lens et Arras, notamment sur la colline de Notre-Dame-de-Lorette et sur la butte de Vimy. L’armée britannique y est associée.
    Joffre a-t-il pu imaginer une nouvelle tactique pour les opérations en Artois alors que l’on vient de perdre quarante mille hommes en Champagne ? On a seulement prévu un front deux fois plus large, pour pouvoir faire monter en ligne un plus grand nombre d’assaillants, six corps d’armée au lieu de trois, avec le renfort de quatre cents canons lourds destinés à battre les batteries ennemies. On croit à l’efficacité d’une préparation d’artillerie de quatre heures sur ce front restreint.
    Depuis un mois, les concentrations se précisent à l’arrière de la X e armée. Le 276 e d’infanterie de réserve, le régiment de Coulommiers, est de la distribution. Embarqué à Vierzy près de Soissons, il abandonne les tranchées de l’Aisne où il s’enlisait. Les soldats débarquent des wagons à bestiaux garnis de paille en gare de Frévent, dans le Pas-de-Calais, petite ville située sur la rivière Canche, au sud des collines de l’Artois.
    Il prend aussitôt le rythme de la marche d’étapes et gagne ainsi les villages d’Acq et de Villers-aux-Bois, au nord d’Arras, à quelques kilomètres au sud-ouest de Notre-Dame-de-Lorette. On leur distribue des paquets d’ouate, pour se boucher les narines et mettre « gros comme un œuf » de coton dans la bouche. Rien pour protéger les yeux. Quelques cristaux d’hyposulfite à plonger dans l’eau pour imbiber les compresses et pouvoir respirer. Pourquoi ces précautions ?
    Le 22 avril 1915, au nord d’Ypres, sur le front de Steenstraat et de Langemarck, les Allemands ont utilisé pour la première fois les gaz asphyxiants. Ils ont disposé des tubes lâchant des gaz tous les quarante mètres. Leurs ingénieurs ont soigneusement étudié les conditions météorologiques pour s’assurer que les vents ne pousseraient pas vers leurs propres lignes les nappes de gaz lourd, jaunâtre ou verdâtre.
    Les territoriaux de la 87 e division française, les premiers touchés, abandonnent leur position. Un rapport relatant l’affaire est aussitôt envoyé au quartier général : « Nos hommes ressentirent immédiatement, explique-t-on, des picotements et une irritation intolérable dans la gorge, le nez et les yeux, ainsi que des suffocations violentes et de fortes douleurs dans la poitrine, accompagnées d’une toux incoercible. Beaucoup tombèrent pour ne plus se relever. D’autres, essayant vainement de courir, durent, sous les balles et les obus, se replier en titubant, en proie à des souffrances cruelles et pris par des vomissements dans lesquels apparaissaient des filets de sang. Un certain nombre d’entre eux, malgré les soins qu’on leur prodigua, ne tardèrent pas à succomber à l’asphyxie provoquée par les lésions pulmonaires. »
    La panique des territoriaux entraîne le recul de l’excellente 45 e division qui repasse l’Yser. Une brèche s’ouvre entre les lignes françaises et britanniques. Le général Quiquandon demande aux régiments de la 45 e division de contre-attaquer. Ils ne peuvent y parvenir. Les zouaves sont envoyés en renfort. Ils suffoquent malgré les masques de gaze imbibés d’eau dont le général Weygand, surpris, recommande l’usage par télégramme : « de l’hyposulfite de soude avec de la potasse ». Il ne faut pas hésiter à entrer dans la nappe car, dit le général, chef de cabinet de Foch, « le meilleur moyen d’éviter le nuage est de foncer en avant, contre le vent qui l’emporte ».
    Le premier régiment de marche de tirailleurs algériens vient d’arriver en Belgique. Il relève dans la nuit du 21 au 22 avril le 3 e bis de zouaves, de la 45 e division d’Alger, et les poilus occupent les tranchées sommaires,

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