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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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Pourtant la X e armée du général d’Urbal progresse vers le nord, en liaison avec les Anglais. Mais la 5 e division d’attaque a perdu la moitié de son 274 e régiment de Rouen et accuse en fin de journée un moral bas. Le 135 e d’Angers a dû se replier sous les tirs très violents de Minenwerfer. Sur la Suippes, le régiment d’Argenton-sur-Creuse a été très éprouvé et celui d’Alençon a trouvé intacts devant lui les nids de mitrailleuses. Dans l’Artois sont aussi engagés les régiments de Mamers, du Blanc, de Chartres et de Dreux. Ces excellentes troupes n’ont pu se maintenir dans la première ligne allemande. Elles ont été renforcées par le 202 e régiment de Granville et bientôt par les soldats du Sud-Ouest, le 11 e de Montauban, le 20 e de Marmande et même par les Lyonnais du 158 e et du 17 e . Toutes les unités françaises vont-elles défiler en Artois et en Champagne ?
    Parmi les corps d’élite, les soldats du 20 e corps de Nancy ont beaucoup souffert dans le secteur de Maisons-en-Cham-pagne, près de Vitry-le-François. Ceux de Troyes, de Toul et de Neufchâteau sont accablés d’obus dans les ravins et ne peuvent progresser. Les gros obstacles à la marche, d’après le capitaine Aublet, ont été « les feux de batteries intactes de l’ennemi, les mitrailleuses restées intactes et les réseaux de fils de fer non coupés ».
    Les régiments de Compiègne, de Troyes et de Soissons ont subi des pertes élevées devant la ferme Navarin où ils sont entrés en action après les coloniaux. La ligne ennemie a été enlevée sur quinze kilomètres, avec une progression maximum de trois. Sur le front de Tahure, dans la Marne, entre Reims et Sainte-Menehould, les Bretons du 11 e corps, venus de Quimper (118 e ), de Nantes (65 e ), de Vannes (116 e ) ou de Vendée avec le 137 e de Fontenay-le-Comte et le 93 e de La Roche-sur-Yon, les fantassins du 64 e d’Ancenis attaquent la « Brosse à dents » et s’y trouvent mal : « Nous sommes isolés, télégraphie le capitaine Chaumont. Nous sommes installés dans une tranchée. On demande des ordres. Je ne puis en déboucher seul. Je n’ai plus de commandants et j’ai seulement avec moi trois cents hommes. » Il ne peut gagner le « bois des Mulots » où deux compagnies de mitrailleuses sont également isolées. Le régiment de La Roche-sur-Yon n’a plus aucun officier. Le colonel Desgrées du Loü vient d’être tué.
    La 14 e division a fait avancer le 60 e de Besançon, le 44 e de Lons-le-Saulnier et les deux régiments de Belfort dans les bois de Champagne où ils n’ont pu se maintenir. « Troupes très disloquées, télégraphie le général, pertes des plus sérieuses, surtout en officiers. » Le 60 e a particulièrement souffert sous le tir des mitrailleuses. Le 3 e zouaves a attaqué jusqu’à la limite de ses forces. Il ne reste plus rien de ce régiment.
    Devant la butte de Souhain, les bataillons des Alpes sont en première ligne : le 30 e d’Annecy, le 140 e de Grenoble plusieurs fois recomplété depuis le début de la campagne, qui souffrent beaucoup des tirs d’artillerie. Le 99 e de Vienne se fait hacher par les obus au bois Bricot, grenadant dans les boyaux, avec ceux de Montélimar et de Romans. Le capitaine Antoinat, qui a perdu son colonel et beaucoup de ses hommes, écrit à la division pour se plaindre : « Mon avis personnel, ose-t-il télégraphier, est qu’il faut une préparation d’artillerie sérieuse et efficace pour enlever la cote 201. Beaucoup d’artillerie en place avant le jour. »
    De l’artillerie ? Joffre en manque, une fois de plus, en dépit du renforcement des canons lourds qui tirent trop souvent court, gênant la progression de l’infanterie. Les servants des 75 du corps colonial se dépensent sans compter, prennent position près du bois du Sabot et suivent l’infanterie dans son avance, pour être au plus près de l’ennemi. Les attelages franchissent les réseaux de barbelés démolis, sautent les tranchées à peine nivelées, contournent les trous d’obus et se mettent en batterie cent fois en vingt et un jours, tirant plus de quatre-vingt mille obus. Les servants sont décimés par les contrebatteries ennemies, les tubes chauffés au rouge éclatent.
    L’artilleur Donati [57] brigadier à la 7 e batterie du 55 e d’artillerie à cheval d’Orange, en campagne depuis août, ne ménage pas sa peine. Il a perdu nombre de ses camarades tués au feu. À

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