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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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l’évidence de l’échec.
    Pourtant, les liaisons, à la II e armée de Pétain, sont si imparfaites qu’on ne connaît pas au juste l’emplacement des unités. Le courant ne passe pas entre l’artillerie et l’infanterie. Un bataillon de chasseurs a dû arrêter son mouvement sous les tirs des 155 français. L’attaque du 2 e tirailleurs et du 2 e zouaves, troupes d’élite, n’a pu aboutir en raison d’une trop faible préparation d’artillerie. À la 18 e division d’infanterie, les recrues d’Angers avaient été décimées dans les champs de barbelés. L’ennemi avait eu le temps de réparer les brèches. Les canons de 75 se trouvaient souvent hors service à trois cents coups seulement. Plus du double de pièces aurait été nécessaire, affirmait le général Lefèvre, pour obtenir des résultats.
    L’inorganisation des parallèles était pour beaucoup dans l’échec. Les fantassins de la III e armée d’Humbert devaient attaquer avec leur sac, sur ordre du divisionnaire, sur les pentes boueuses de l’Argonne. Les hommes étaient serrés les uns contre les autres dans les boyaux, attendant le moment de l’escalade. Pas de plantons pour diriger les hommes, pour affecter aux porteurs de blessés des tranchées spéciales. Devant la lenteur de l’action, les Allemands avaient eu tout le temps d’organiser leur contre-attaque sur la route de Servon. Les tirs de barrage avaient obligé les compagnies à rentrer dans les tranchées.
    Rien n’illustre plus clairement la vanité des entreprises lancées contre les organisations défensives que l’horreur de l’attaque du 9 e corps, dans la région d’Arras, contre les redoutes de Blairville : la densité des tirs de 75 sur ces défenses était insuffisante. Quand la première vague a débouché, les soldats du Blanc (268 e ), « instantanément et à la seconde même », ont reçu des tirs croisés de mitrailleuses. Le barrage bien réglé de l’artillerie de tous calibres accablait les assaillants surpris par l’utilisation massive des obus à gaz. Les fils de fer n’étaient que partiellement détruits. Les Marocains de la 4 e brigade, les zouaves et les tirailleurs étaient bientôt encerclés. « La ligne allemande se refermait derrière eux. » Le colonel Savy voyait « tomber sous ses yeux » ses Marocains « sans rien pouvoir faire pour eux ». La ligne ennemie, inexpugnable, avait résisté à la préparation d’artillerie. Le mauvais temps avait rendu inefficaces les observations aériennes et aveuglé les batteries françaises. La première tranchée avait servi une fois de plus d’appât aux Français.
    Trois journées de lutte, affirmait le commandant Faucher, observateur de Joffre chez Pétain, avaient amoindri la II e armée. « Livrée à ses seuls moyens, elle ne serait plus susceptible, pour un certain temps, que d’attaques à portée limitée. » Et cependant Pétain décidait d’envoyer encore à l’assaut la 16 e division coloniale fraîche, et Joffre lui expédiait de nouveaux renforts, la 3 e division venue de l’Est par convois automobiles. Sans plus de résultats, car les Allemands avaient également renforcé leur front. Toute l’armée française allait-elle périr en Champagne ? La bataille de l’Artois était un échec manifeste : malgré la supériorité écrasante des Alliés qui attaquaient à 37 divisions contre 16, malgré le feu des pièces lourdes, malgré l’emploi des gaz asphyxiants, les Anglais avaient pris Loos et progressé sur Lens mais les renforts ne suivaient pas et l’assaut français sur Vimy avait échoué. En Champagne la supériorité numérique des Français était encore plus manifeste : 39 divisions contre 17 et 2 500 canons pour assurer la percée. Mais les hommes étaient trop nombreux, les unités se chevauchaient, le désordre était à son comble aux premières attaques. On avait en vain rapproché les renforts de la ligne du feu : les troupes de Pétain s’étaient fait décimer en donnant l’assaut à la forteresse de la Main de Massiges. Le général Marchand, à la tête du 2 e colonial, était mort à l’assaut de la ferme Navarin.
    Le brait avait couru soudain que la « tranchée des Tantes », sur la deuxième position allemande, venait d’être prise. Aussitôt l’état-major, sans vérifier l’information, avait envoyé dans le désordre 40 000 hommes en soutien sous le feu des canons qui devaient anéantir 40 % des effectifs. Des

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