Les Poilus (La France sacrifiée)
Débarqués à Bordeaux, ils étaient formés en deux brigades : la première groupait les tirailleurs algériens du 4 e régiment et le régiment de marche de la Légion étrangère commandé par le colonel Rollet. Le 8 e zouaves et le 7 e régiment de marche de tirailleurs étaient regroupés dans la 2 e brigade. Ces troupes devaient être constamment sacrifiées aux « percées » des offensives, et aussitôt reformées avec des renforts. Elles accumulaient les récompenses, portaient la fourragère rouge et fournissaient une garde d’honneur au PC de Joffre à Chantilly. Elles étaient toujours citées en exemple. On les exhibait aux défilés en l’honneur du président de la République et des souverains étrangers.
Elles étaient de nouveau prévues pour l’attaque de Champagne du 25 septembre. À la bataille de Charleroi, elles avaient durement subi le baptême du feu. Le 28 août, les zouaves en chéchia rouge étaient morts à Dommery. Les régiments des colonels Cros et Fellert avaient enlevé la ligne allemande, permettant ainsi la retraite française. Le 30 août, les unités coloniales avaient assuré à l’armée en retraite le passage de l’Aisne, avant de mourir dans les marais de Saint-Gond et au château de Mondement, pendant la bataille de la Marne. Le 8 e zouaves s’était sacrifié contre la Garde prussienne. Les tirailleurs du 7 e régiment algérien étaient tombés sous les mitrailleuses allemandes dans les villages de Reuves et de Saint-Prix. Le colonel Fellert, héros légendaire des campagnes d’Afrique, était tué, les pertes étaient telles qu’un seul régiment remplaçait les deux unités décimées.
Les survivants s’étaient reposés l’hiver dans les tranchées avant d’attaquer en Belgique, puis en Champagne, le 28 janvier. Pendant que l’armée hivernait dans les secteurs, les coloniaux étaient, avec d’autres troupes d’élite, engagés dans les offensives partielles, avant de participer aux grandes opérations du printemps. Le 9 mai, la marocaine attaquait les Ouvrages blancs et la butte de Vimy. La Légion étrangère et le 7 e tirailleurs de marche y avaient subi des pertes énormes. Ils avaient de nouveau attaqué le 11 mai, après une préparation d’artillerie trop faible, les pentes d’une colline hérissée de mitrailleuses. Le 4 e régiment de marche des tirailleurs tunisiens devait perdre en Artois cinquante de ses officiers et deux mille hommes. Depuis lors, il était au repos en Alsace.
Le 7 e régiment de marche algérien n’avait pas été mieux traité. Il avait attaqué la butte de Vimy en trois vagues successives, avec la Légion. Il avait enlevé deux lignes ennemies et assuré la progression de quatre kilomètres en perdant plus de deux mille hommes, soit les deux tiers de son effectif [55] . Le 15 juin, l’unité pleurait ses morts au sud de Souchez. La Légion étrangère, formée hâtivement après la mobilisation sur la base d’un recrutement volontaire de quarante-cinq mille étrangers, dont trois mille garibaldiens, avait formé un régiment de marche pour la division marocaine, avec les débris des unités massacrées dans l’Artois le 9 mai. Des renforts entraient en ligne, instruits à Bayonne, Lyon et Avignon, puis à Rouen, Blois, Orléans, Toulouse. « Mes hommes partiront sans sacs pour mieux courir, disait le colonel Pein, qui devait trouver lui-même la mort. Si leurs vêtements les gênaient, ils iraient tout nus. Mais ils sauteront sur la cote 140. » Ils devaient y perdre deux mille des leurs et de nouveau six cents dans le ravin de Souchez.
Quant au 8 e de zouaves qui faisait brigade avec le 7 e de tirailleurs algériens, il avait subi de telles pertes après Charleroi et la Marne qu’il avait dû recevoir des renforts au camp de Mourmelon-le-Grand, avant de repartir dès novembre pour la Belgique. Pas de répit pour les zouaves, ils étaient engagés au « bois Triangulaire », à la « ferme des Anglais », à Nieuport et sur tous les points chauds de la bataille de l’Yser. Reprenant des forces pendant quelques semaines, ils attaquaient la cote 140 sur la butte de Vimy en Artois, mourant de soif et de faim sur les positions conquises, perdant la moitié de leurs effectifs sous les tirs des mitrailleuses.
De nouveau les renforts arrivent au dépôt des zouaves de Sathonay, dans le Rhône. Des sous-officiers venus du Maroc et de la cavalerie reconstituent les cadres. En juin, le 8 e régiment se fait
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