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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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de nouveau décimer dans l’attaque de la cote 119, toujours en Artois. Il enlève la tranchée des Walkyries, celle du Rhin, le bois de la Folie. L’aumônier Blachère conduit les hommes à l’assaut, la canne à la main. Ils sont tellement en avant qu’ils ne peuvent être ravitaillés. Les corvées d’eau sont meurtrières, les liaisons inexistantes. Le régiment a de nouveau perdu la moitié de ses effectifs. Il part pour un long repos à Belfort et campe à Giromagny, à Rougegoutte. De nouveau complétés et couverts d’honneurs, ils débarquent à Saint-Hilaire-au-Temple, en Champagne, le 18 septembre 1915. On compte sur eux pour la percée.
    Une fois de plus la division marocaine, comme la division de fer de Nancy, avait reçu l’une des plus dures missions de l’offensive du 25 septembre : l’attaque de la forteresse imprenable du bois du Sabot, en Champagne. La dernière danse de l’année allait commencer, la dernière hécatombe.
    *
    Les coloniaux, cette fois, partent casqués. Ils ont reçu la bourguignotte et sont vêtus de kaki, alors que toute l’armée métropolitaine revêt l’uniforme bleu horizon. Première concession visible de l’état-major à la sécurité des poilus. Les rapports sur les blessures au crâne avaient depuis longtemps alerté l’état-major. Il avait chargé l’intendant Adriant d’étudier un modèle efficace en liaison avec les usines de Japy frères de Lafeschotte dans le Doubs, déjà dotées de marchés importants de calottes d’acier pour les casquettes, de marmites et de bouthéons. Louis Kuhn, contremaître de l’entreprise, avait conçu le premier casque de l’armée, inspiré de celui des pompiers et de la « bourguignotte » de la guerre de Cent Ans. Dans toute la France, des ateliers de casques sortaient de terre. Les unités de choc en avaient été dotées dès les premières livraisons. Le soldat René, dans les Vosges, toucherait le sien le 12 octobre seulement. « Si tu voyais la tête qu’on a sous ces saladiers, écrirait-il à sa mère, c’est à faire peur aux corbeaux et aux hiboux. »
    Ainsi coiffés, les coloniaux attendaient dans les parallèles d’attaque, dans la nuit du 24 au 25 septembre. Un saillant très puissant, doté d’une garnison enterrée dans des abris à l’épreuve des obus lourds. Aux côtés des zouaves et des tirailleurs, les Bretons de Nantes, de Guingamp et de Saint-Malo. Les tirailleurs des 4 e et 7 e régiments attaquent avec la Légion. La forteresse est enlevée au prix de très lourdes pertes : mille hommes au 7 e . Les légionnaires s’emparent de l’ouvrage Wagram, mais butent contre la ferme Navarin. Les régiments se font hacher, pris dans les réseaux non détruits de barbelés. Les deux unités de la Légion gardent si peu de combattants qu’il faut les fondre en un seul régiment de marche. Les zouaves « sans peur et sans pitié » attaquent au clairon, la musette gonflée de grenades, le couteau à la ceinture des « nettoyeurs de tranchées [56]  ». La tranchée d’Iéna, le boyau du Danube sont enlevés. Les prisonniers désarmés sont laissés à l’arrière sans que personne ne s’en occupe. Les zouaves enlèvent une batterie d’artillerie, prennent encore les boyaux de Budapest et de Thuringe, se retrouvent en flèche, harassés par les contre-attaques, bombardés par un feu incessant. Quand ils repartent au repos aux portes de Paris sans avoir pu « rectifier le front », ils ont de nouveau perdu la moitié de leurs camarades.
    Sur tous les secteurs d’attaque, les meilleures unités sont engagées, les régiments d’élite, déjà signalés pour leur « esprit de sacrifice » par les chefs de corps. Les assauts n’ont pas toujours réussi : les fantassins de Toul, de Sens et de Montargis se sont trouvés pris dans un feu d’enfer et ils ont dû regagner leurs parallèles. Les 9 e et 17 e corps sont bloqués : le général Curé juge « impossible de renouveler avec des troupes fatiguées une attaque le soir même ». Un bataillon de tirailleurs a été « entièrement détruit », pris par un mouvement de flanc que l’artillerie n’a pas pu contrarier.
    Les petites vallées sont remplies de « gaz suffocants » qui gênent la progression à la III e armée. Les Anglais aussi attaquent aux gaz, sans résultats probants. Pourtant Joffre mobilise les hussards de Niort, les chasseurs d’Afrique et les spahis pour exploiter une éventuelle percée.

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