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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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chasseurs à pied est accablé d’obus dans le secteur du Chapeau-haut-de-forme. Il doit se défendre à la grenade et à la baïonnette pour ne pas être exterminé.
    On compte cinq cents tués ou blessés dans l’affaire de la butte de Souhain, le 7 décembre : les poilus reçoivent à l’aube la visite des Feldgrau chargeant en masse et réussissant à s’emparer de la tranchée de première ligne. Rien ne peut les en déloger. Les coloniaux de la 16 e division, à la fin de novembre, sont prêts à donner l’assaut du mont Têtu, au plus haut du massif de la Main de Massiges. Il s’agit de reprendre aux Allemands une colline qu’ils ont enlevée de vive force le 3 novembre. Les tirailleurs et les zouaves attendent jour après jour le signal de l’attaque, sans cesse décommandée pour des raisons météorologiques, du 29 novembre au 12 décembre. Ils dominent leur angoisse, luttent contre la neige et la boue jusqu’au moment où Castelnau annule finalement l’opération. Pendant un mois, ils ont tremblé de froid et de peur pour rien.
    Plus de deux mille hommes vont encore mourir dans les tranchées de Saint-Hilaire-le-Grand et de Ville-sur-Tourbe le 9 janvier, sous une attaque d’obus lourds au gaz expérimentés par l’ennemi, qui précède un assaut aux lance-flammes. C’est la répétition d’une guerre chimique rendue possible par les progrès technologiques des ingénieurs des usines d’outre-Rhin. Les Français doivent mener deux contre-attaques pour reconquérir leurs observatoires. On relève cinquante morts et blessés et quatre cent cinquante intoxiqués dans une attaque au gaz au nord-ouest de Verdun. L’état-major français se persuade que les Allemands préparent une offensive d’un nouveau style.
    Partout ailleurs, dans les lignes françaises, les poilus sont employés à organiser les défenses. La seule opération d’envergure de l’hiver est menée à l’est dans la région de l’Hartmannswillerkopf. Elle est particulièrement meurtrière. Les Français, des chasseurs alpins de Montbéliard et Besançon, ou des fantassins de Bourg et de Langres, doivent attaquer le 18 décembre dans une tempête de neige les pentes de la montagne inhospitalière. Ils parviennent au sommet et font de nombreux prisonniers le 21, mais l’ennemi, revenu de sa surprise, attaque en force le lendemain après un violent bombardement de cinquante batteries sur un front de trois kilomètres. Des détachements pourvus de mitrailleuses grimpent dans la neige, détruisent le 152 e régiment de Langres. Le général Serret, ancien attaché militaire à Berlin, chargé de l’offensive, y trouve la mort avec la moitié de ses effectifs : 7 300 hommes sur 14 500. Joffre en conclut trop tard qu’il faut renoncer dans cette région à des opérations « laborieuses et coûteuses ».
    D’autres bataillons de chasseurs relèvent les unités fourbues et décimées et la vie de secteur reprend sur les pentes de la montagne enneigée. Les bombardements y sont incessants et les chasseurs apprennent à reconnaître au son les nouveaux obus lourds à gaz : ils font moins de bruit, leur chute est furtive, « en queue de poisson ». Ils explosent dans une pétarade sèche, avec une forte odeur qui rappelle celle de l’ail. Les Alpins ont des masques rudimentaires et n’ont pas encore touché la bourguignotte à la fin de décembre. Ils se battent encore en bérets.
    Les blessés ont descendu les pentes sur des civières ou juchés sur les cacolets des mulets. En haut de la montagne, des abris perforés, des moignons d’arbres, des cimetières provisoires. La popote est misérable et les officiers se réservent les meilleures parts, affirme le hussard Coudray. On distribue aux hommes un rhum infâme qui sent l’éther et l’iode. Du moins les chasseurs peuvent-ils partir en permission. Pas tous cependant, et pour peu de temps : la durée de la « détente » est fixée à six jours, avec d’interminables trajets en chemin de fer. Il reste aux refusés du tableau des « perms » à boire le « remboursable », le vin lourd et noir de l’intendance.
    *
    Même dans l’est du front, les victimes sont nombreuses. Beaucoup de camarades manquent à l’appel dans toutes les armées et les officiers sont, la plupart du temps, des nouveaux : plus de cinquante mille ont été perdus depuis le début de la guerre. Les remplaçants ne sont pas toujours bien reçus de la troupe. Tel commandant de

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