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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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chasseurs fait passer par les armes un soldat pris dans une rixe, qui a blessé plusieurs de ses camarades. « Un officier brille par sa martiale intolérance, accompagnée d’une lâcheté répugnante au feu. Un homme à particule qui ne bouge jamais de son abri. » Au 11 e bataillon, un officier tué à l’ennemi, Belmont, jouissait de l’estime universelle. Cet étudiant en médecine, engagé volontaire devenu sous-lieutenant de réserve, avait gagné ses galons au feu [59] . Ainsi les hommes ne se privaient pas de jauger et juger les gradés. Ils avaient trop supporté pour ne pas bondir d’indignation devant l’inconduite de certains chefs.
    Depuis l’entrée en guerre, 1 911 000 hommes de la seule armée française sont morts, blessés ou évacués, ou encore disparus. Sur les 404 000 de cette catégorie, combien de prisonniers ? 300 000, au moins, sans qu’on en connaisse le chiffre exact. Ils sont mal vus au commandement, où l’on enquête constamment sur les conditions de leur reddition. Ils devront faire la preuve, une fois rentrés, qu’ils n’ont pas déserté. Les officiers se font un devoir de s’évader et l’on compte par milliers les récits d’évasion. On ignore leur traitement en Allemagne, mais les cartes qu’ils envoient à leur famille, les comptes rendus de la Croix-Rouge suisse permettent de mieux connaître leurs conditions de détention.
    La Convention IV de La Haye signée en 1907 par quarante-quatre États assurait en principe leur protection. Il était entendu qu’ils étaient « au pouvoir de l’ennemi, mais non des individus ou des corps qui les ont capturés ». Ils pouvaient être astreints au travail, mais devaient refuser de travailler pour la guerre. La France avait prévu que les officiers allemands pouvaient conserver leur solde, leur épée et leur ordonnance. Les hommes visités sanitairement recevraient également une solde et seraient internés dans des conditions humaines. On avait organisé des camps à Coëtquidan, Saint-Brieuc, Belle-Isle, Vaccarès, Montélimar et Barcelonnette. Les officiers étaient encore accueillis dans les forteresses de Cholet, Vitré, Fougères ou dans les îles.
    On apprit en France que les Allemands soumettaient parfois leurs prisonniers à des mesures vexatoires, contraignaient les officiers à coucher au camp de Zossen sur la paille, à même la terre. Ils les nourrissaient mal, sans les chauffer, aux camps de Koenigstein et de Lechfeld, les punissant d’heures d’exposition attachés à des poteaux. Les autorités françaises décidèrent alors des mesures de rétorsion. Qui avait commencé le premier, des deux adversaires, à maltraiter les gradés prisonniers ? La propagande de guerre faisait ses choux gras de la moindre information. Plusieurs centaines de PG français étaient morts du typhus, au printemps de 1915. Mais les Allemands étaient morts aussi. On apprit que le lieutenant Delcassé, fils du ministre des Affaires étrangères, avait été condamné au traitement le plus rigoureux [60] . La presse s’empara de ce mini-scandale.
    Une escalade de mauvais traitements, assortis de campagnes de propagande, fit rage en 1915. Les journaux d’outre-Rhin accusaient les Français de faire périr les prisonniers dans les travaux les plus durs au Maroc. Une commission suisse d’enquête rétablit la vérité, d’autres furent envoyées en Allemagne. La crainte de la réciprocité finit par atténuer les différences de traitement, humanisant le sort des détenus. Évadé le 2 août 1915 et repris, Jacques Rivière, après trois jours de cavale, avait été maltraité par ses gardiens, menacé d’être fusillé et finalement condamné à une peine de 35 jours de cellule, avec une soupe et une couverture tous les quatre jours. Sa peine avait été réduite à 28 jours après la suppression des camps de représailles, obtenue, disaient les journaux, « à la suite d’un accord intervenu entre les gouvernements ». Quittant l’enfer de Hülseberg, il avait été ramené à Koenigsbrück [61] .
    Les prisonniers reçoivent le droit de correspondre avec leurs familles. Leurs lettres, transitant par la Suisse (plus de quatre millions par mois, sans compter les 625 000 colis expédiés de France), sont censurées par les Allemands comme le sont, par l’autorité militaire française, celles des soldats au front.
    Le service postal aux armées s’est organisé. En théorie, les lettres de la région parisienne

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