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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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à l’assaut de soixante-treize bataillons allemands. Au prix de sacrifices qu’aucun officier n’était sur place en mesure d’exiger, les Allemands, par miracle, ne sont pas passés. Les combats se sont poursuivis spontanément de nuit, sous la neige, d’un groupe à l’autre, acharnés. Les Français se sont juré de faire payer aux Feldgrau l’horreur qu’ils ont subie.
    Plus d’unités organisées dans les lignes volatilisées. Ce désordre nuit aux Allemands, au lieu de les aider, comme les pierres des décombres de Stalingrad ont permis aux Russes de tenir. Les fascines détruites, les innombrables cratères des obus, les fils de fer tordus, groupés en buissons épineux, les poutres, les branches, les pans de murs noircis, autant d’obstacles pour les agresseurs. La bataille tourne à l’engagement individuel. Le bombardement du 22 est moins efficace, parce que les lignes allemandes s’étirent et s’effilochent, comme les françaises. Les 77 hésitent à tirer, repérant mal leurs fantassins. Comment les canons de Pétain, survivant à l’écrabouillement, pourraient-ils aider les leurs, alors qu’ils sont perdus dans la poussière opaque des décombres, dans les brouillards terreux, les nuages de détritus ?
    « Nous courons comme des fous, explique à Péricard un caporal du 208 e de Saint-Omer appelé en renfort. L’écume aux lèvres, on enjambe des morts, le ravin est complètement labouré par les obus : ce ne sont que des trous de cinq et même de dix mètres de largeur remplis de cadavres. Un énorme obus tombe en plein sur la première section de la compagnie ; dix blessés du même coup et quinze morts qui voltigent dans les airs. Des quartiers de cadavres s’abattent de tous côtés, nous sommes couverts de sang. » Un adjudant du 321 e , régiment de réservistes de Montluçon appelés à la rescousse en première ligne, confirme cette vision d’horreur : « Le boyau d’Haumont est rempli de cadavres. Des mourants sont là dans la boue, râlant, nous demandant à boire et nous suppliant de les achever. Il ne me reste plus que dix-sept hommes sur les trente-neuf que j’avais au départ. »
    Les bataillons, les compagnies attaquent dans le désordre. Le 310 e de Dunkerque marche toute la nuit pour prêter main-forte à un bataillon du 208 e de Saint-Omer, très malmené. Un bataillon du 327 e de Valenciennes s’amalgame aux débris du 208 e . Plus d’unités, de PC, d’ordres, de carte de guerre. Les chefs de section sont livrés à eux-mêmes, des sergents, des caporaux commandent ces compagnies réduites, pulvérisées. Inversement, des capitaines ou des lieutenants sans troupes font le coup de fusil avec quatre ou cinq hommes, comme des caporaux. Ces petites unités ne sont anéanties qu’après une résistance féroce. Deux ou trois soldats isolés rejoignent d’autres groupes, sans songer à se rendre. On mène des contre-attaques avec deux compagnies clairsemées. Un lieutenant-colonel survivant du 233 e d’Arras rassemble des hommes de quatre régiments différents pour arrêter l’ennemi entre les bois de l’Herbebois et des Caures.
    Quand ce dernier est encerclé par de petites unités de Stosstruppen, six mille hommes au maximum, Driant et les survivants de ses deux bataillons décident de tenir. Le capitaine Séguin perd un bras au milieu de ses cinquante hommes qui résistent aux assauts d’un bataillon. Le sergent Avet tue net quatre Allemands avant de se terrer dans un trou, laissant passer la vague pour fusiller dans le dos les assaillants. Le sous-lieutenant Pagnon prend en plein visage le jet de flamme d’un nettoyeur de fortin. Les hommes sont tués à bout portant, mais Driant résiste encore. Plus que cent vingt chasseurs. Aucun renfort possible. Les Allemands attaquent sans répit, par petits paquets. Plus que quatre-vingts chasseurs. Les Stosstruppen avancent une pièce de 77 qui tire à vue. Driant n’a pas d’obusiers, pas de canons de tranchée. Des mitrailleuses seulement. Elles sont anéanties.
    Sur ordre, trois groupes de chasseurs tentent de s’échapper. Driant reste en place, avec l’aumônier de Martimprey et le médecin Baudru qui secourent les blessés. Le colonel est touché par un éclat d’obus. Deux sergents font glisser son corps dans un trou, pour tenter de l’abriter. Il est déjà mort.
    La poignée de chasseurs regroupés autour de Vacherauville, sur la Meuse, sont blessés pour la plupart. Aussitôt la

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