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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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s’en remet aux techniciens de l’industrie du soin d’éliminer toute résistance sur un champ de bataille limité. On ne compte pas vingt-cinq kilomètres du village de Malencourt à l’ouest du front de Verdun jusqu’au fort de Tavannes vers l’est.
    Dans ce triangle précis, qui porte au sud jusqu’à la citadelle, toute trace de vie doit être éliminée. Les fantassins avanceront l’arme à la bretelle, en longues colonnes, coiffés de casques d’acier et précédés de lance-flammes. Les obus au gaz auront nettoyé les ravins. Les bombes incendiaires lancées d’avions ou par les engins de tranchées auront anéanti les positions. La verrue de Verdun sera brûlée au chlore, à l’acide, la croûte de la terre percée en profonds entonnoirs par les calibres géants. Rien ne doit survivre à Verdun. « Il s’agit de montrer à nos ennemis, dit encore le Kronprinz qui prend la tête des forces opérationnelles, que l’armée allemande brise toute résistance. » Il devrait dire : l’industrie allemande. Verdun fera la preuve qu’elle est la première au monde.
    *
    Le tir de l’artillerie est concentré d’Avaucourt à Brabant-sur-Meuse. À partir de 8 heures, le bombardement gagne en ampleur, battant toute la rive gauche de la Meuse, la route d’Étain, les Hauts-de-Meuse. Il atteint la lisière des armées voisines et détruit le seul chemin de fer qui relie Verdun à Sainte-Menehould. Seule la nationale 35, en piteux état, peut assurer la liaison.
    Les obus de 150 et ceux des Minenwerfer détruisent les parapets, anéantissent les tranchées, ensevelissent les poilus. Les lourdes marmites de 210 et de 305 rasent les bois, abattent des chênes et des hêtres de vingt mètres de haut. Les 380 et même des 420 s’attaquent aux forts bétonnés que l’on croit encore garnis de pièces. Ils font sauter les ponts pour empêcher l’arrivée des renforts. Les shrapnells arrosent les ravins où se cachent les troupes, ainsi que les obus à charges toxiques. Les tirs sont guidés par six Drachen, des ballons dirigeables que l’aviation française est incapable d’abattre en raison de la supériorité de la chasse allemande. « Sur cinq poilus, dit le caporal Brassard, du 56 e bataillon de chasseurs à pied, deux sont enterrés vivants, deux sont plus ou moins blessés, et le cinquième attend. »
    Les troupes en place dans les tranchées de Verdun ont survécu aux offensives de 1915. Elles ont l’habitude du feu. Les soldats de la 51 e division viennent du Nord. Leur patriotisme n’est pas douteux. Ils ont abandonné les fermes et les villages dans les territoires envahis. Leurs familles, quand elles ne sont pas restées sur place, sont recueillies vaille que vaille dans le Sud. Ceux d’Arras (233 e RI), de Saint-Omer (208 e ), de Béthune (273 e ) et de Valenciennes (327 e ) se battent depuis 1914 pour libérer le territoire.
    La 51 e division de Boulangé a déjà changé trois fois de général. Elle a beaucoup donné depuis l’entrée en guerre. Sa participation à la bataille de Guise, à la bataille de la Marne dans les marais de Saint-Gond a obligé le quartier général à la retirer du front pendant huit mois pour cause de reconstitution. De nouveau engagée dans les combats de 1915 et surtout dans la bataille de Champagne en octobre, elle a perdu tant de monde qu’elle a été tenue au repos prolongé, de nouveau reconstituée, puis affectée à des travaux de terrassement et à l’occupation du secteur forestier où le bombardement la surprend, à l’est du front d’attaque.
    Vers l’ouest, les deux bataillons de chasseurs à pied du bois des Caures sont des unités d’élite, mais les six régiments de la 72 e division de Bapst sont aussi de bonnes troupes, rescapées des combats de 1914 et 1915. Les poilus de Verdun (164 e ) et de Laval (324 e ) ont pour camarades les Ch’timis des unités de Saint-Quentin (351 e ), Cambrai (362 e ) et Lille (165 e et 365 e ). Mobilisée à Verdun, la division n’a pratiquement pas quitté ce champ de bataille, participant constamment à des opérations locales qui lui ont tué du monde. Moins accablés par les offensives récentes que leurs voisins de la 51 e , les soldats sont familiers des lieux et décidés à se défendre. Ils sont immédiatement assommés par le tir d’artillerie, et doivent abandonner leurs lignes bouleversées. L’agent de liaison Champeaux, du régiment de Verdun, ne reconnaît plus le champ de

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