Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
Vom Netzwerk:
l’attaque par petits groupes. « Pour que le 20 e corps soit remis à l’instruction, se disent les poilus, il doit encore y avoir quelque chose dans l’air. »
    Dans les régiments de l’Est, la colère gronde. Ceux qui sont en secteur dans les Vosges ont aussi participé à la noria de Verdun. Les camarades du 221 e régiment de Langres ont perdu un tiers de leur effectif du côté de Tavannes, et subi l’attaque allemande massive du 11 juillet. Depuis lors, ils ont pansé leurs plaies dans les Vosges, non sans acrimonie. « Nous manquons d’hommes, et les demi-guéris viennent au front, et c’est honteux », dit le brancardier René. Les poilus pestent contre Briand qui repousse, à la fin de septembre, toute idée de paix. Ils disent en octobre que l’Allemagne « a demandé un armistice et que nous et l’Angleterre nous l’avons refusé ». Un camarade s’est pendu, trop déprimé pour survivre. Les autres perdent confiance dans l’issue de la guerre. « La victoire, dit-il, nous nous en moquons comme de notre première culotte. Ce qui nous intéresse, c’est la fin des hostilités. »
    Les poilus sont convaincus que « la guerre ne peut pas finir avec les armes ». Ils pestent contre les ouvriers d’usine, qui reprochent aux soldats de jouer aux cartes. Ils enragent contre les civils à l’arrière du front, qui les considèrent comme des sauvages et les font coucher dans des granges glacées. Aucun espoir, pour le troisième Noël de guerre. « On s’attend, pour dans quelques mois, à la reprise de la grande tuerie. » En janvier, les fantassins pataugent dans un mètre de neige. De nouveau les pieds gelés et le découragement. Combien d’hivers encore devront-ils supporter au front ? Sur les lignes, les fraternisations refleurissent. « Les Boches et les nôtres sont dans les meilleurs termes. En certains coins, ils mangent ensemble. »
    Le courrier arrive mal, le ravitaillement est compromis par les rigueurs de l’hiver. Au 11 e bataillon de chasseurs, l’état d’esprit n’est pas plus optimiste. Les officiers sont l’objet de toutes les critiques dans les corps qui ont, comme dit Poincaré ou Pétain, « mauvais esprit ». Ils sont les seuls à cotiser pour l’emprunt de la victoire. N’est-ce pas normal ? Ils touchent quinze à vingt francs par jour ! Certains se conduisent avec aveuglement, et férocité : on accuse un gradé d’avoir abattu d’une balle de revolver un chasseur de la classe 1915 « dont les forces morales et physiques étaient à un tel point trahies qu’il avait une frousse irraisonnée et se sauvait en une course folle loin des marmites [67]  ». Il a été enterré sous la rubrique « tué à l’ennemi ». On trouve alors dans les journaux quotidiens des poilus des notations annonçant la révolte. « Les soldats sont des hommes, dit Coudray, et doivent être traités comme tels. Nous ne devons pas subir cette soumission moutonnière qui diminue et qui ravale. » À la fin de 1916, le poilu a pris conscience de ses droits.
    *
    Il a eu connaissance des rameurs de paix. Depuis que Wilson a fortement réduit, trois semaines après sa réélection, les ouvertures de crédit aux Anglo-Français, il songe à expédier une note aux belligérants pour leur demander d’ouvrir des pourparlers de paix. L’Allemagne a pris les devants. Le 12 décembre 1916, elle rend publique une note des « puissances centrales » proposant « d’ouvrir des négociations de paix ». Le gouvernement de Berlin n’indique naturellement pas de programme de négociation. Cette note est destinée à prévenir l’intervention des États-Unis et à diviser l’adversaire.
    Les Alliés coupent court sans retard, l’Italie d’abord, puis la France et la Grande-Bretagne : « un acte de ruse », dit Briand, un « nœud coulant », confirme Lloyd George. La réponse officielle est un refus. L’offre formulée par Wilson le 20 décembre demande « des réponses franches ». Elle n’est entendue ni par les Allemands, peu soucieux d’afficher leurs prétentions, et moins encore par les Alliés qui posent à Rome, le 10 janvier 1917, les conditions d’une paix de victoire. L’Allemagne, qui vient d’écraser la Roumanie entrée en guerre et de prendre Bucarest, assurant ainsi pour longtemps son ravitaillement en pétrole, n’a nullement l’intention de traiter.
    Pour la première fois depuis le début du conflit, pourtant, on avait prononcé le

Weitere Kostenlose Bücher