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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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février 1917. Au front, par les feuilles clandestines de la propagande pacifiste, les poilus en avait été quelquefois informés et ils n’y croyaient pas.
    L’appel risquait fort d’être entendu en Russie où le régime menaçait ruine, mais non chez les autres belligérants. Liebknecht en Allemagne et Monatte en France ne suscitaient aucun ralliement. Mais l’idée de « paix sans victoire », aussi bien léninienne que wilsonienne, faisait son chemin.
    *
    En France, le flottement politique manifesté en 1916 et la fronde parlementaire contre l’état-major général avaient pour conséquence l’acceptation par Briand des comités secrets de la Chambre et du Sénat et l’institution d’un « contrôle parlementaire aux armées » ainsi que la création d’un Comité de guerre siégeant en permanence avec les ministres concernés et convoquant fréquemment les chefs militaires.
    Personne ne contestait encore, sauf quelques minoritaires socialistes comme Brizon, la formule de « l’union sacrée ». Mais la propagande de Merrheim dans les syndicats portait ses fruits, au parti où le Conseil national d’août 1916 groupait déjà un tiers d’opposants, surtout dans les départements travaillant pour l’industrie de guerre, la Loire, la Haute-Vienne, le Rhône et l’Isère : ils comptaient à peu près la moitié des délégués en décembre. La politique de guerre risquait d’être remise en question.
    Les forces gouvernementales exigeaient une impulsion plus forte du cabinet sur l’état-major. Après la démission de Joffre, promu maréchal de France, et l’arrivée de Lyautey Rue Saint-Dominique, le nouveau gouvernement Briand affirmait sa volonté de conduire la politique militaire, d’en prendre la responsabilité au lieu de la déléguer. Le général Nivelle, qui remplaçait Joffre, s’était soumis à cette exigence.
    L’évolution des rapports des pouvoirs civils et militaires était comparable en Angleterre, à ceci près que jamais l’état-major n’y avait bénéficié de la puissance qu’il avait en France. Lloyd George, appelé par le roi au pouvoir le 6 décembre, était à la tête d’un War Cabinet restreint siégeant tous les jours. Les politiques montaient au créneau.
    Une évolution exactement contraire conduit en Allemagne l’état-major général à exercer une véritable dictature de guerre. Le rayonnement de la personnalité de Paul von Beneckendorff und von Hindenburg, parfaite illustration du militarisme protestant prussien, est pour beaucoup dans la reculade du pouvoir civil. Secondé par Erich Ludendorff, premier quartier-maître général, formé par Schlieffen et ancien collaborateur de Moltke, il décide d’appuyer la politique de « guerre sous-marine à outrance » de l’état-major naval, contre l’avis de Bethmann-Hollweg, soucieux de ménager les Américains.
    L’arrogance du maréchal est telle que le Reichstag lui donne tort. Le Zentrum, parti catholique, vote alors une motion le 16 octobre qui marque des limites au pouvoir civil : « Le chancelier d’Empire devra s’appuyer essentiellement sur la décision du commandement suprême de l’armée. »
    Le parti socialiste allemand a aussi ses minoritaires, les spartakistes. Liebknecht, leur chef, est en prison depuis qu’il a crié « à bas la guerre ! » dans les rues de Berlin le 1 er mai. Mais la Direction suprême de l’armée est devenue, grâce à Ludendorff, la Direction suprême de la guerre, coiffant tous les états-majors alliés. Le grand quartier général retire leurs prérogatives à un nombre croissant de ministères civils. Un seul office général de la guerre (Allgemeinekriegsamt) rassemble, autour du général Groener, tous les services économiques et sociaux et passe les commandes de l’armée aux firmes concentrées, assurant l’essentiel de la production : ainsi Krupp ou l’IG Farben, émanation de la Badische Anilin et regroupant la plupart des industries chimiques.
    Pour transformer le front français en ligne inexpugnable, entièrement pourvue de forts et d’abris bétonnés, Ludendorff fait décréter le travail obligatoire en Belgique, force les prisonniers de guerre à travailler dans les mines, crée un service auxiliaire civil pour mobiliser tous les hommes non enrégimentés de dix-sept à soixante ans. Cette orientation vers la guerre totale réduit l’autorité du chancelier, qui doit répondre aux exigences de l’état-major. Celui-ci

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