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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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évacuée. Les chefs de bataillon, tous nouveaux, venus au 26 e régiment, étudient des cartes en relief pour y voir clair sur un terrain boisé, coupé de ravins. Les sapeurs aident à la traversée du canal en jetant des passerelles. Les grenadiers ploient sous leur charge, sur la route interminable.
    Au passage du canal, les grenades pressées dans les musettes explosent. Plusieurs hommes sont blessés, un lieutenant tué. Dans les tranchées boueuses, les hommes avancent avec peine pour gagner les emplacements dans les parallèles : « Beaucoup de monde dans bien peu de tranchées », commente un poilu de Nancy.
    Mais le terrain est étudié « dans le plus petit détail » pour l’attaque. Pendant plusieurs jours, des répétitions ont été organisées dans la zone des étapes, sur un relief comparable à celui du jour J. Le général Mazillier, commandant du corps, sait qu’il devra attaquer le plateau du Chemin des Dames qui domine d’un abrupt de plus de cent mètres la vallée de l’Aisne par le canal : un passage des plus difficiles, avant l’escalade du plateau. Les hommes ont confiance. Ils ont vu défiler des centaines de pièces lourdes et même des unités de chars. On leur a demandé une action courte, « violente et brutale ». Ces troupes d’élite y sont habituées.
    Les unités prévues pour l’attaque sont toutes désignées pour les qualités dont elles ont fait preuve dans les précédentes batailles. Les régiments, comme ceux du 20 e corps, portent tous la fourragère, et les médailles militaires ont récompensé les braves bataillonnaires. À l’ouest de la VI e armée de Mangin, les coloniaux des 2 e et 3 e divisions dûment recomplétées attendent dans les tranchées.
    La 56 e du général Hellot est l’ancienne unité de Micheler, qui ne passait pas pour ménager ses hommes, tous originaires de Bar-le-Duc, Troyes, Soissons, Chalons ou Reims, villes martyrisées par le canon. Elle avait largement donné à Verdun où des camions l’avaient débarquée en mai, puis à la bataille de la Somme en octobre. Depuis lors, elle était au repos ou en secteur, puis à l’instruction, tout comme la 127 e du général d’Anselme, la division de Belfort.
    Ces unités d’élite ont subi plusieurs renouvellements presque complets de leurs effectifs depuis 1914. Elles instruisent et absorbent les jeunes recrues qui sont conduites au feu par des anciens chevronnés. Elles voisinent avec des divisions coloniales comme celles du 2 e corps de Blondat, qui avait assuré la victoire à Verdun en octobre sous les ordres de Mangin, avec les divisions Guérin et Marchand. Le général avait placé en première ligne ses Sénégalais, ses Algériens, ses Marocains et ses zouaves dont il connaissait l’ardeur au combat.
    Des douze divisions de la V e armée de Mazel, qui avait pour cible le plateau de Craonne, la 162 e du général Raucher se composait de deux unités amalgamées, les meilleures et les plus anciennes de l’armée française, la première levée initialement à Lille, où figurait, levé à Cambrai, le 1 er régiment de France, et la 2 e , celle de Guignabaudet où combattaient les survivants du 33 e d’Arras, celui du lieutenant de Gaulle commandé en 1914 par le colonel Pétain. Le recrutement des deux unités était tari : on avait dû les accoler pour qu’elles figurent encore au « champ d’honneur », avec des recrues de vingt ans venues d’ailleurs.
    Les Briards de la 10 e où figurait encore le 76 e régiment de Péguy, les Beaucerons de la 9 e , couverts de palmes après la victoire de Verdun, saluaient les équipages de chars qui prenaient position derrière l’Aisne. Le 32 e corps de Passaga qui avait repris Douaumont avec les divisions de Reims et de Verdun voisinait avec les unités venues de l’Est du 7 e corps de Bazelaire dont les chasseurs alpins, rompus aux combats de montagne dans les Vosges, devaient attaquer la montagne de Reims, aidés par les Russes de la brigade Lokhvtzky, toujours pieux et loyaux, en dépit de leur révolution.
    Nivelle et Mangin avaient monté leur attaque de premier jour avec des unités dont ils étaient sûrs, qui avaient fait leurs preuves à Verdun et qu’ils avaient longuement laissées au repos et à l’instruction, avant de les conduire en ligne, dans les parallèles de départ. Aucune n’avait connu la moindre baisse du moral. Originaires de l’Est ou des régions envahies, ruraux des plaines à blé de la

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