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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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Limoges. On ne leur dit à aucun moment ce qui les attend.
    En janvier, ils sont embarqués dans des wagons à bestiaux pour Clairoix au nord de Compiègne. Est-ce l’offensive ? Ils se rapprochent du front et comprennent, à voir les convois automobiles qui se succèdent sur les routes, aux travaux des territoriaux construisant des abris pour des champs d’obus en pains de sucre, que l’affaire se prépare.
    Nouveau déplacement le 12 janvier, à pied et en colonne, pour Choisy-au-Bac. Les soldats n’ont toujours aucune idée de leur affectation. Ils se logent avec des dragons, des cuirassiers, des sapeurs du génie, des territoriaux, des chauffeurs d’autos dans les ruines du village, puis dans de grands baraquements de planches dotés du courant électrique. Ils sont au bord de l’Aisne, aux rives de peupliers. Autour d’eux, on creuse encore des abris pour les munitions d’artillerie.
    Ils prennent bientôt la route de Franc-Port, vers Soissons. Le capitaine, au cantonnement, leur raconte la bataille de la Marne et le départ précipité des Allemands, pour entretenir chaque jour leur moral, suivant les directives de Nivelle. Nouvelle étape par chemin de fer vers Villeneuve fin janvier, par un froid qui fait geler le vin dans les bidons. Le bataillon doit fournir cent hommes au 63 e de Limoges pour recompléter ses effectifs. Ils sont choisis par rangs d’âge, sans tenir compte des compagnies. Les jeunes sont encore épargnés.
    De nouveau, la compagnie de Louis est embarquée, cette fois pour Compiègne. L’activité de l’armée, en ce début de février, est extraordinaire : les soldats réparent les routes et déchargent les caisses de munitions. Les obus sont alignés sur des caillebotis, du 74 au 280. On s’est rapproché des lignes, car le tocsin sonne pour une attaque au gaz. Les Allemands bombardent le pont de fer que le génie a jeté à Soissons. Le 28 mars, dit Louis avec impatience, «nous attendons toujours ; quand notre tour viendra-t-il ? ». Il apprend l’avance anglaise vers Bapaume et rien d’autre. Aucune nouvelle de l’offensive. Le régiment n’y sera pas engagé, malgré ses déplacements continuels. L’état-major l’a gardé en réserve.
    *
    Édouard Deverin, le cycliste parti de Noisy-le-Sec au deuxième jour de la mobilisation, devenu téléphoniste au 48 e bataillon de chasseurs à pied d’Amiens, n’a pas l’enthousiasme patriotique du jeune instituteur de la Creuse. En 1917, il est déjà un ancien. Il a réussi à survivre aux offensives, à combattre la boue et l’ennui dans les secteurs calmes. Les préparatifs fébriles des unités d’assaut ne l’impressionnent pas.
    Sur la Somme, en juillet 1916, il avait déjà vu « grouiller les artilleurs, pilotant de monstrueux 280 ». Les poilus avaient alors conçu les plus folles espérances, devant l’ampleur et la minutie des préparatifs de l’armée Foch. Même ceux qui disaient « après tout, je m’en fous d’être boche, ma peau ! » étaient emportés par le sentiment unanime de confiance. Ils avaient vu défiler les prisonniers allemands, reçu les messages annonçant l’enlèvement des deux premières lignes, applaudi à la formidable préparation d’artillerie.
    Mais bientôt surgissaient du front les convois de blessés. On enterrait de nouveau les morts par milliers, avec des croix de bois portant leurs noms : quel progrès ! En 14, on les inscrivait sur des bouts de papier enfermés dans des bouteilles. Il avait vu mourir les Toulousains joyeux, pourrir les cadavres dans la tranchée du Chancelier qui avait emporté tout son bataillon. Au coin du bois Bulow, il avait suivi des yeux un infirmier qui transportait une sorte de paquet : les morceaux d’un chasseur sortaient de la toile de tente, une jambe encore protégée par sa molletière. La déception était immense : pourquoi cette offensive de 17 réussirait-elle mieux que la précédente ? Quand l’ordre d’attaque survenait enfin, sur les bords de l’Aisne, Deverin murmurait : « Si ça se fait, pauvre 48 e , il n’en restera pas lourd ! »
    Dans les régiments de secteur, les changements sont continuels pendant les trois premiers mois de 1917, parce qu’il faut remplacer en ligne ceux qui partent dans les réserves d’attaque. Au 221 e régiment de Langres, les soldats restent au calme jusqu’en février. Le 26 février à l’aube, ils se mettent en route. Pas de camions pour eux, ils sont réservés

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