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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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lourd.
    Aussi convoqua-t-il le Conseil de guerre à Compiègne, le 6 avril, sous la présidence de Poincaré.
    Ce n’est pas une réunion ordinaire. Elle risque de décider du sort de la bataille. Les Américains, excédés par la reprise de la guerre sous-marine à outrance, se sont décidés à entrer dans le conflit. Le Congrès de Washington vient de voter, ce 6 avril. Le 15 mars, le tsar Nicolas II a abdiqué devant la première révolution. Ces deux événements changent en profondeur les perspectives. Rien ne dit que les Russes continueront à se battre. Ludendorff pourrait alors rameuter sur le front de l’Ouest une centaine de divisions bien entraînées et reposées, sans compter des centaines de batteries d’artillerie lourde, qui emporteraient la décision.
    Le choix est angoissant : faut-il prendre le risque d’attendre les Américains ou prévenir immédiatement l’offensive allemande inéluctable ? Les généraux Pétain, commandant du groupe des armées du Centre, Franchet d’Esperey, celles du Nord, et Castelnau qui a repris son poste dans l’Est, sont priés de donner leur avis. Le pouvoir politique recule, il s’abrite derrière eux, il attend le verdict.
    Painlevé coupe la poire en deux : il exprime son accord pour la percée, mais non pour l’exploitation qui ruinerait les réserves. Il a peur. Pétain le soutient. La saison, dit-il, est défavorable, les liaisons insuffisantes. La densité du tir d’artillerie, malgré les 790 canons lourds modernes rassemblés par Nivelle, est inférieure à celle de la bataille de la Somme. Enfin l’avance de la X e armée de Micheler, pour exploiter la percée, entre la VI e de Mangin et la V e de Mazel, est une entreprise logistique très hasardeuse, étant donné l’état des chemins. Pétain doute que les soldats français, si longtemps immobiles dans les tranchées, puissent s’adapter à la reprise si rapide de la guerre de mouvement.
    Désavoué, Nivelle offre au Conseil sa démission dans le wagon de Poincaré. Elle est refusée. Au matin du 6 avril 1917, il est trop tard pour annuler une offensive prévue dans une semaine. Les soldats attendent déjà l’heure de l’assaut. Le général en chef enlève la décision politique à la hussarde, contre Pétain qui se rallie, contraint et forcé. Le général en chef a promis verbalement de ne pas « recommencer la Somme », et de s’arrêter au bout de quarante-huit heures, si la percée n’est pas obtenue.
    Le Chemin des Dames, ses grottes nombreuses où se tapit l’ennemi, ses fortifications bétonnées ne l’arrêtent pas. Le relief tourmenté, la barre rocheuse coupée de ravins ne lui semblent pas plus imprenables que les hauteurs ravagées de Verdun. Il a une confiance absolue dans son artillerie : ses 2 700 canons de 75 dont beaucoup sont autotractés, ses 200 chars d’assaut, ses 850 000 hommes à l’entraînement depuis plusieurs semaines, les tirailleurs noirs de Mangin et les troupes de choc coloniales chargés du premier assaut le réconfortent. Même Painlevé ne met pas en doute la possibilité de la percée, et les Anglais marcheront au canon, le second jour. Humbert sur l’aile gauche, Anthoine dans les monts de Champagne soutiendront l’effort. Dans les tranchées, on attend l’heure H. Le général croit au succès. Mais les poilus ?
    *
    Sur l’ensemble du front, ils se doutent dès janvier que l’offensive va reprendre, en raison des mouvements nombreux et précipités d’unités mises en réserve ou expédiées dans les camps d’instruction. Les divisions d’élite du 20 e corps ont été reçues au camp de Saffais dès le 19. Le 17 février, la moitié de la division de fer de Nancy a déjà gagné les camps boisés de l’Aisne. Les soldats retirent les numéros de régiment visibles sur les uniformes et les voitures. Ils camouflent avec soin leurs campements, pour éviter d’être repérés et aveugler l’ennemi. Funeste présage, le train qui enlève un régiment pour Château-Thierry en télescope un autre, près de Gondre : on retire des voitures éventrées vingt-six tués et trente-quatre blessés.
    La division est amoindrie par ses pertes antérieures et le tarissement des renforts. Elle se trouve réduite à deux régiments, le 26 e de Nancy et le 69 e de Toul, avec le renfort de deux bataillons de chasseurs de Troyes et de Brienne. La mise en place est lente, et cahotante la progression par les villages détruits de la zone

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