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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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des étapes de quinze, vingt ou vingt-cinq kilomètres. Quand ils arrivent au cantonnement, les manœuvres, les exercices commencent.
    Des rideaux clairsemés de veilleurs se remplacent aux créneaux des tranchées, sans cesse relevés par des unités décimées à la recherche d’un secteur calme pour se refaire, des territoriaux ou des laissés-pour-compte du recrutement. Les bataillons ne sont jamais tranquilles, même en ligne. On les occupe à des terrassements pour l’ouverture d’une deuxième ou d’une troisième position.
    Avant le 16 avril, le général Nivelle a mis toute son armée en mouvement dans un ordre impressionnant. La réussite logistique est remarquable. Les opérations, tout aussi minutieusement réglées dans leur marche, répondront-elles aux les espoirs de l’état-major ?
    *
    Deux mille attelages d’artillerie tirent les 75 le plus près des lignes de départ, pour amorcer la préparation. Les 1 650 pièces d’artillerie lourde croient avoir repéré leurs objectifs. À la VI e armée de Mangin, un canon se cache sous son abri tous les vingt mètres. Cinq cents avions seulement sont disponibles pour les reconnaissances et les réglages d’artillerie, avec une quarantaine de ballons appelés « saucisses ». Il faut espérer que le temps sera beau.
    Cinq artilleurs lyonnais du 5 e de Besançon, l’ancien régiment de Nivelle, se retrouvent au front, après une instruction hâtive sous les ordres d’un capitaine horloger dans le civil. Ils sont de Vesoul, de Grenoble et de Lyon, parfois de Paris, à disposition d’un adjudant-chef corse venu des bataillons disciplinaires [69] . Ils ont abandonné la vieille cité bisontine et regrettent la rue Sachot, où pourtant nombre d’entre eux (un sur cinq en moyenne) ont contracté véroles et chaudes-pisses.
    Deux camarades, qui ont déserté, ont été retrouvés et condamnés en conseil de guerre à cinq ans de travaux publics et à la dégradation des boutons, des écussons et des pattes d’épaules. Les jeunes recrues ont l’air martial de ceux qui ne connaissent pas le front. Ils affichent fièrement leurs spécialités : ils sont pointeurs, déboucheurs, chargeurs ou pourvoyeurs et accomplissent en un temps record la mise en batterie de leur pièce, exténuant leurs chevaux canadiens mal dressés au centre de la Vitriolerie à Lyon.
    Le 5 e régiment avait déjà donné à Verdun lors de la reconquête de Douaumont. Il avait perdu nombre de ses batteries et les servants étaient tombés en grappes sous les éclats des obus allemands. Aussi les jeunes de la classe 17 avaient-ils dû partir avec des pièces neuves, pour compléter les batteries sur le front de la « Gauloise ». Ainsi appelait-on la 133 e du général Passaga, qui avait repris Douaumont.
    Les jeunes Lyonnais s’apprêtaient à entrer dans la danse avec leurs caissons « camouflés de teintes pisseuses », leurs avant-trains « hérissés de seaux, de manches d’outils, de toiles de tentes, de sacs d’armes et de cordes à chevaux ». Les téléphonistes s’empilaient dans une voiture spéciale, bourrée de matériel. Le chef de batterie, un ingénieur sorti de l’École centrale, exigeait d’eux un service infernal. Tous devaient s’attendre à suivre l’attaque. Ils devraient pousser leur pièce le plus avant possible, dès le départ des Sénégalais, des chasseurs et des grenadiers qui s’entassaient déjà dans les parallèles.
    Les artilleurs de Lyon enrageaient de voir l’aviation française impuissante devant la chasse ennemie, toujours présente dans le ciel. Les Allemands, depuis la bataille de la Somme où ils étaient en infériorité, avaient renforcé considérablement leurs escadrilles. Les jeunes Lyonnais avaient assisté à un engagement aérien très décevant : un petit avion français de réglage R3 prenant des photographies à l’avant des lignes avait été contraint d’atterrir chez l’ennemi par deux chasseurs, sans que ceux-ci soient en rien contrariés par les Spads. Mauvais présage.
    À l’armée Mangin, aucun appareil ne pouvait franchir les lignes sans être attaqué. Les Drachen allemands étaient intacts. L’aviation de Nivelle n’était pas en force : une inquiétante défaillance. Les meilleurs pilotes français, déplorait le général Micheler, avaient été retirés du front pour s’entraîner sur les nouveaux modèles. La batterie des Lyonnais assistait impuissante aux vols de réglage des petits

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