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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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avions allemands bien protégés par leurs chasseurs. La danse risquait d’être sévère.
    Une information circulait dans les états-majors : une batterie allemande bien camouflée avait pu être repérée pendant la précédente bataille de la Somme. Un « poste central avertisseur » de TSF transmettait au chef de batterie le message radio d’un avion anglais qui demandait un tir d’artillerie immédiat sur les pièces ennemies. Les serveurs de la batterie allemande avaient pu descendre aussitôt aux abris. Leurs techniciens radio avaient les moyens de capter et de traduire instantanément les radiotélégrammes. Les Alliés ne disposaient pas encore d’un système comparable. Ils n’en dépendaient que plus des conditions météorologiques.
    Il est clair que la surprise ne pouvait jouer, puisque l’observation aérienne avait amplement informé Ludendorff de l’importance des concentrations françaises devant le Chemin des Dames. À l’armée Mazel, un sergent-major du 3 e zouaves avait été fait prisonnier, avec les plans complets d’attaque du régiment. Les Allemands avaient eu le temps de renforcer leur artillerie et leur aviation, et de faire monter en ligne les troupes d’élite, Garde prussienne et Bavarois. Où était la surprise ?
    *
    On ne pouvait se faire d’illusions sur la capacité de résistance des lignes allemandes depuis l’attaque manquée du 13 avril en direction de Saint-Quentin. Les fantassins du 276 e en avaient fait l’expérience : partis à la boussole à travers les champs labourés, ils avaient reçu de plein fouet des tirs furieux de mitrailleuses sous abris et s’étaient heurtés à des réseaux successifs de résistance bien étalonnés sur le terrain. La plaine de 1 500 mètres devant Neuville-Saint-Amand était « couverte de réseaux serrés que les aviateurs n’avaient pu repérer car elle était couverte de branchages ».
    Dans son observatoire d’artillerie dissimulé dans une cabane de pierraille, Henri Bouvereau [70] apercevait les lignes allemandes, étagées jusqu’aux crêtes derrière Saint-Quentin. La ville elle-même servait de réduit, les caves d’abris, les maisons éventrées d’emplacements de batteries soigneusement dissimulées par des toits de tuiles. On avait détruit des quartiers entiers pour rendre la ville imprenable. Inutile de s’illusionner : une attaque sur Saint-Quentin était d’avance condamnée. Les Allemands en avaient fait une forteresse imprenable.
    L’infanterie coloniale avait fait la même expérience du côté du Moulin de Laffaux, à l’ouest du Chemin des Dames. Le général Berdoulat, commandant le 1 er corps colonial, écrivait à Mangin pour lui signaler le danger des mitrailleuses embusquées et l’utilisation des « cavernes naturelles de la région ». Il était à craindre que l’artillerie lourde ne pût venir à bout des organisations bétonnées qui communiquaient entre elles par des souterrains. Les 155 n’avaient pas réussi à mordre sur le béton des abris.
    Quant à l’armée Anthoine, dans les monts de Champagne, elle se heurtait à un réseau de positions enterrées, à une artillerie nombreuse dirigée par les observatoires du mont Cornillet, du mont Blond, des croupes du Casque et du Téton : toutes positions qu’il faudrait prendre d’assaut, au prix de lourdes pertes, si l’on voulait tenir la ligne de crête du massif de Moronvilliers. Au Chemin des Dames, les Allemands avaient organisé trois positions solides : la première au pied des pentes, avec des abris enterrés, la deuxième comprenait trois lignes de tranchées creusées sur l’éperon et communiquant avec les « creutes ».
    La VIP armée du général von Boehm alignait une troisième position au-delà de la crête, interdisant toute descente sur l’Ailette. Avec quatorze divisions de première ligne, contre vingt-deux unités françaises, von Boehm ne pouvait compter que sur la résistance des positions et sur la supériorité de son artillerie et de l’aviation. Il n’avait pas, contrairement à Nivelle, de ces chars d’assaut qui faisaient l’admiration des poilus, quand ils voyaient défiler sur les routes de l’Aisne les monstrueux Schneider et les lourds Saint-Chamond.
    Comment les 360 000 hommes entassés dans les tranchées et les abris pouvaient-ils connaître les résultats de la préparation d’artillerie, pourtant vitale, entreprise à partir du 3 avril par l’armée Anthoine dans les

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