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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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état leur permette de subir une opération.
    Un poilu, criblé d’éclats d’obus, présente des plaies souillées de terre et déchiquetées qu’il faut traiter l’une après l’autre. On soigne hâtivement les blessés au crâne, à la pince-gouge et non au trépan. Le casque protège les méninges dans de nombreux cas, mais souvent la cervelle est atteinte et les chances de survie sont faibles. La gangrène provoque une mortalité de 21 % pour les blessés des jambes ou des cuisses. Les hommes atteints d’hémorragie périssent le plus souvent sur le champ de bataille ou dans le transport, sauf s’ils reçoivent à temps le sérum artificiel, récemment utilisé en ligne, ou s’ils ont pu pratiquer une ligature avec la bretelle ou la ceinture. « Il est impossible de soigner des blessés de l’abdomen qui présentent des lésions viscérales [78]  »
    On anesthésie hâtivement à l’éther, au chloroforme ou au chlorure d’éthyle. On opère à la lumière des lampes à acétylène. En 1917, les premières transfusions sanguines peuvent être réalisées au front, quand on en a le temps. Les médecins sont particulièrement démunis contre les affections dues aux gaz. Être gravement blessé, en avril 1917, c’est être promis très souvent à la mort.
    *
    Les poilus le savent. Ils ont vu passer sur des civières leurs camarades mourants emportés par les brancardiers de la territoriale ou par les musiciens des régiments, tous affectés au service de santé. Les anciens ont été souvent renvoyés au front après la guérison de blessures légères, dans les délais les plus brefs. Le 20 avril, quand il est clair aux yeux de tous que l’offensive, une fois de plus, a échoué, les combattants n’ont qu’une idée : se refaire, changer de secteur, rentrer dans les tranchées après l’arrêt des combats.
    Ils ne peuvent savoir que la tuerie va reprendre de plus belle. La poursuite de l’offensive est déjà programmée, non pas de l’initiative de Nivelle, mais cette fois imposée à lui par le pouvoir politique.
    Les généraux, pourtant, hésitent. Les chefs de grandes unités de la X e armée, encore intacte, ne veulent pas l’aventurer sans garantie de soutien, sans espoir réel de succès, et certains ont fait une démarche commune auprès de Poincaré pour empêcher l’hécatombe. Le ministre de la Guerre, Painlevé, est intervenu en personne pour limiter les moyens d’une attaque prévue sur le redoutable massif de Brimont dans la montagne de Reims, où les parlementaires prétendent, non sans raison, que la brigade russe a été exterminée. Le bruit courait que les soldats de cette unité avaient voté pour savoir s’ils prendraient ou non part à l’assaut. Ils s’y seraient résignés à une faible majorité. Des bolcheviks ? Pas encore.
    Des deux régiments de la brigade, un seul flanche, celui de Moscou. Ces hommes sont des volontaires recrutés par le tsar dès la fin de 1915 pour répondre à une demande de Joffre. Leurs officiers parlent français. Les soldats savent lire et écrire. Ceux du régiment de Moscou ont été choisis pour leur haute taille, leurs cheveux châtains et leurs yeux gris. Au 2 e régiment de Samara, les blonds aux yeux bleus des bords de la Volga sont moins sensibles à la propagande révolutionnaire. Ils sont partis le 2 février 1916 par le Transsibérien, puis par le Transmandchourien pour embarquer à Dairen, près de Port Arthur, et débarquer à Marseille, d’où ils ont été dirigés, en avril 1916, vers le camp de Mailly.
    Ils ont reçu l’instruction française d’officiers russophones comme le lieutenant Fouque-de-la-Garde, élevé à Moscou, ou Sichel-Dulong, directeur d’une mine dans l’Oural avant la guerre. Ces Français connaissent bien les officiers russes, le prince Gagarine, chef de bataillon, les généraux Lokhvitsky et Gilinski. Le colonel Mikhael Netchvolodoff a du mal à dominer les soldats aux yeux gris de Moscou, qui trouvent insupportable la messe des popes au front, alors que leur pays se libère de la tyrannie tsariste.
    Les Russes ont été engagés prudemment dans le secteur calme d’Auberive, puis en Champagne, dans l’armée Gouraud. Quand ils montent en ligne dans la montagne de Reims, ils n’ont jamais connu les offensives meurtrières. Ils se font tuer et blesser par milliers, comme leurs voisins français. Pourtant un rapport du 1 er mai 1917 de la section de renseignements aux armées explique

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