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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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nous serons en mesure de négocier avec les puissances occidentales, de poser les conditions qu’exigent notre sécurité, nos intérêts économiques et notre situation internationale après la guerre. »
    Il est question de négocier, non d’imposer. Le chancelier recherche une issue à la guerre, obtenue dans des conditions avantageuses grâce à un dernier sacrifice des soldats. Pour enlever la décision, c’est l’Angleterre qu’il faut frapper d’abord : elle ne combat pas sur son sol et cédera plus facilement. Elle n’a pas d’autre revendication à présenter sur le continent que l’évacuation de la Belgique. On pourra sans doute la contraindre à admettre les intérêts dominants des Allemands dans les charbonnages de Mons et les industries sidérurgiques.
    Les Français resteront intraitables, parce qu’ils ont à libérer une étendue considérable de dix départements ruinés. Ils se battront jusqu’au bout, mais sans doute pas pour venir au secours d’un allié défaillant. Entre l’hypothèse de défendre à tout prix Calais pour permettre aux Anglais de réembarquer et la nécessité de protéger en priorité Paris, ils n’hésiteront pas. Il sera facile de remuer le fer dans la plaie franco-britannique en attaquant à la jointure des deux armées. La planification de l’offensive de Ludendorff obéit d’abord à cet impératif politique.
    Pour obtenir rapidement la décision, il ne compte pas uniquement sur ses 6 600 canons lourds et ses 3 500 mortiers. Il n’a pas commandé un feu d’extermination comme à Verdun.
    Le choix des obus à gaz est significatif. Le colonel Brachmüller, chargé de régler la préparation, a préféré à l’ypérite (gaz moutarde), qui stagne plusieurs jours dans les fonds et gêne les manœuvres, un mélange de gaz lacrymal, qui oblige les Anglais à ôter leur masque, le temps de recevoir de plein fouet un autre gaz mortel, le phosgène. En tirant plus d’un million d’obus en cinq heures, on choisit un modèle d’opération destructrice mais courte, qui laisse passer le plus vite possible les troupes d’assaut sur un terrain bien ciblé et dégagé. Il est essentiel de neutraliser au départ les 2 500 pièces de la Royal Artillery, pour que les canons allemands puissent suivre l’offensive dans son mouvement sans être contrariés par des tirs de contrebatterie. D’entrée de jeu, on choisit un type de bataille éclatée, partant simultanément dans plusieurs directions d’assaut, pour empêcher l’adversaire de se ressaisir.
    La principale direction était d’axe est-ouest sur la ligne Bapaume, Péronne, Ham, La Fère. Entre toutes les directions d’offensive projetées sur la carte, Ludendorff avait choisi celle-ci, baptisée Saint-Michel, pour réussir un « enroulement de l’armée anglaise » dans l’esprit de von Schlieffen, avec remontée vers le nord-nord-ouest à travers l’Artois jusqu’aux ports de la Manche. Les deux armées les plus fortes, celles de Below et de Marwitz, étaient affectées à ce mouvement de vaste amplitude.
    Vers le sud, l’armée d’Oskar von Hutier avait à l’origine seulement la mission de couvrir le grand mouvement de faux, en empêchant les Français de remonter. Mais le Kronprinz avait renforcé sans cesse les unités de couverture de cette armée, qui recevaient ainsi la mission de percer à la charnière franco-britannique, et même, le cas échéant, de pousser plein sud vers Noyon et de menacer Paris.
    Au 73 e régiment du Hanovre servait Ernst Jünger, de la 111 e division du groupe d’armée bavarois attaquant au nord du dispositif. Il attendait dans l’anxiété l’heure de l’assaut. « Nous ne doutions pas, écrit-il, que le grand plan ne réussît. En tout cas, ce ne serait pas nous qui le ferions échouer. »
    Pour ces Bas-Saxons dont « l’humour sec » était à toute épreuve, il s’agissait d’un nouveau départ « pour les courses en plat de Hindenburg ». Les routes étaient encombrées de convois dirigés par des unités de feldgendarmes rigoureux et omniprésents, qui assuraient l’ordre de la minutieuse mise en place. Le coup ne pouvait pas manquer.
    *
    Pétain n’est pas en mesure d’apprécier l’importance de l’attaque allemande du 21 mars. Dans le brouillard artificiel, les Stosstruppen bousculent les premières lignes, où 8 000 tommies sont morts dans le bombardement. Le front d’attaque n’est que de soixante-dix kilomètres, d’Arras à La

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