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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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« La population civile, explique le caporal Masgelier, a pour ordre de partir […] spectacle émouvant que ces départs […] C’est affreux. Nous pleurerions nous-mêmes si nous ne songions à nous aussi, au sort qui nous sera fait demain. »
    Dans le désastre qui s’annonce, les conduites des gens, qu’ils portent ou non l’uniforme, sont souvent inadaptées, dangereuses, absurdes ou désordonnées. Près de Noyon, des territoriaux comblent des tranchées anciennes à la pelle. Colin s’en irrite. Ils feraient mieux de creuser de nouvelles lignes ! Il trouve enfin le général Pellé à Noyon, où l’on s’apprête à livrer bataille, dans la ville évacuée par les Allemands un an auparavant. Les troupes ne s’y arrêtent pas, elles sont à peine gênées par les explosions des bombinettes lancées par les avions [99] rejoignant les objectifs qui leur avaient été fixés. Les fantassins du 5 e corps étaient suivis par les cuirassiers et les dragons à pied de la division de cavalerie Brécard qui s’était illustrée au moulin de Laffaux. Le mépris du poilu pour l’aristocratique hussard descendu aux tranchées avait fait place à une fraternité d’armes. Les cavaliers avaient assez donné pour imposer le respect. Ils marchaient au pas de la biffe, sans barguigner, et portaient sur leurs épaules les lourds fusils-mitrailleurs.
    Colin prend à Noyon la route de l’ouest, se détournant du flux qui monte vers Ham. Le QG de la division est en effet à Guy, au château démeublé et délabré des Essarts, sur la route de Lassigny. L’unité s’échelonne vers le nord, en direction de Ham, et trouve ses marques sur les rives ouest et est du canal du Nord, le 279 e sur Ercheu, le 307 e à sa droite sur Libermont, le 338 e , composé de Creusois, en réserve autour d’Ecuvilly. Le QG du général est ainsi installé à une vingtaine de kilomètres de ses avant-postes.
    « Triste veillée d’armes, dit le caporal qui n’a pas reçu la moindre instruction de ses supérieurs. Depuis vingt-quatre heures, nous sommes ici. Nous attendons l’ordre qui nous dirigera vers les lieux où l’on se bat. »
    Heureusement, l’ennemi n’est pas en vue. Le commandant de l’infanterie, qui a fait donner l’ordre à ses troupes de pousser jusqu’au contact des Anglais, n’est pas sûr de lui : « Les hommes n’ont actuellement, dit-il, que ce qu’ils portent   sur eux, soit 80 cartouches, les voiturettes des mitrailleuses n’ont pas été transportées en camions et l’on n’a pu charger que les mitrailleuses avec leurs caisses de munitions, soit 3 600 cartouches par pièce. » Elles devaient en toucher 5 000. Leur autonomie de feu est ridicule. Non seulement l’infanterie n’a pas de soutien d’artillerie mais elle ne peut pas compter, au premier contact, sur ses propres armes automatiques.
    Le 23 mars, vers vingt heures, Colin repart en automobile, à la recherche de ses unités toujours en marche qui doivent être en place avant la levée du jour. Il installe alors son propre PC à Beaulieu-les-Fontaines, en avant du 388 e régiment de réserve, et se soucie de rencontrer les Anglais. Il tombe sur un état-major de la 36 e division britannique, très incertain sur le sort de ses troupes, mais qui croit pouvoir assurer aux Français que le front tient au sud de Ham. « Cela sent la débâcle », se dit Colin.
    *
    Le régiment de Masgelier, en réserve, connaît une sorte de répit. Le 24 mars, par une marche de nuit, il a quitté Ecuvilly « en direction du Boche ». La nuit est splendide, mais bruyante, et les Français rencontrent sur la route des batteries anglaises. « Les tommies nous regardent passer, compatissants, silencieux devant ces poilus qui marchent au combat. Ils nous offrent gentiment des cigarettes. »
    Louis se réjouit de les voir là. Il ne peut encore réaliser que les canons anglais en retraite sont les seuls qui puissent soutenir l’infanterie française aventurée. Les lignes anglaises viennent d’être de nouveau enfoncées au sud de Ham. Colin n’arrive pas à établir une liaison sérieuse avec la 10 e division française sur son flanc droit. Le 31 e régiment de Melun recule déjà sous la canonnade. La division anglaise décimée reflue derrière les Français. Le général Margot reste calme : « Encore vingt-quatre heures critiques à passer en attendant l’arrivée de notre artillerie », dit-il sobrement au soir du 24.
    « Mornes, la tête

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