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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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lourdes. L’avance allemande est bloquée, le 31 mars 1918. Ludendorff vient d’échouer, alors qu’il tenait la victoire.
    Le 5 avril au soir, après une dernière contre-attaque de Mangin rentré en grâce et mis à la tête du 9 e corps, le feu tombait sur toute la ligne. Les 120 000 Parisiens qui avaient quitté la capitale bombardée pourraient rentrer chez eux.
    Paris était provisoirement sauvé.
    *
    Le canon allemand roulait désormais dans le Nord, précédant la masse des unités lancées à l’assaut des Flandres, des ports de la Manche. Une très forte poussée de sept divisions, annoncée par le feu d’enfer de 700 canons, avait dispersé deux divisions portugaises et entamé la ligne anglaise jusqu’à la Lys. On comptait déjà, le 9 avril 1918, 6 000 prisonniers anglais. Ludendorff voulait s’emparer à toute force de la ligne flamande des monts, pour disposer des observatoires et rendre la plaine intenable.
    Haig demandait le secours immédiat des Français. Les unités de réserve si patiemment constituées par Pétain et Foch prendraient-elles le train sur la ligne unique du Paris-Beauvais-Abbeville-Calais pour tenir les Flandres ? Foch lui-même était réticent, Pétain hostile. Les poilus devaient-ils une fois encore se sacrifier pour sauver l’armée britannique ?
    Le 11 avril, le Kaiser paradait dans Armentières conquise. Il voulait assister au spectacle de la déroute anglaise. Les Français expédiaient d’abord les sept cents avions de Ménard et Féquant mais n’envoyaient sur place qu’un corps de cavalerie. Il franchissait sans murmurer deux cents kilomètres en soixante-dix heures, crevait ses chevaux pour monter aussitôt en ligne. Deux divisions d’infanterie devaient suivre, puis un détachement d’armée aux ordres du général de Mitry. Ces renforts n’empêchaient pas les Alliés de perdre, le 25 avril, le mont Kemmel.
    Les Français avaient résisté jusqu’au bout. Alors qu’ils combattaient encore, les poilus de la 28 e , des alpins et des fantassins d’Annecy, de Bourgoin et de Vienne avaient subi le tir de l’artillerie française, qui croyait le mont occupé par les Allemands. Les deux divisions engagées avaient perdu plus de cinq mille des leurs. Ceux de la 39 e , les Briards de Massenet, avaient vu leurs compagnies fondre au feu.
    Fallait-il envoyer de nouveaux renforts dans les Flandres ? Les Allemands y avaient subi de lourdes pertes et les Anglais, héroïques, tenaient leurs positions. Le 30 avril, l’offensive s’essoufflait. Les renforts d’artillerie alliés avaient, une fois encore, permis de résister aux assauts furieux des unités de Ludendorff.
    Les artilleurs n’étaient pas tous arrivés à temps : dans l’armée de Belfort, l’aspirant Jean Bernard, sorti d’une taupe de Saint-Louis, attendait au 47 e d’artillerie de campagne l’heure du départ pour l’ouest du front [104] . À l’école de Fontainebleau, il avait appris toutes les finesses du tir au 75, et même sur des chiens attachés dans une tranchée pour permettre aux techniciens de mesurer l’efficacité des nouveaux obus à gaz. Les majors de sa promotion avaient choisi les batteries lourdes, car « l’esprit de sécurité l’emportait sur celui du patriotisme ou du sacrifice ». Les plus courageux, les crapouillots de tranchée. Il lui restait le 47 e régiment d’artillerie à cheval, en garnison à Héricourt, dans la Haute-Saône, dont il était originaire.
    Rattaché à la 14 e division dite « des as » parce que ses quatre régiments levés à Besançon, Lons-le-Saunier et Belfort étaient initialement désignés par les couleurs d’un jeu de cartes, l’aspirant affecté à dix-neuf ans à une batterie de quatre pièces se contentait de diriger le tir en second d’un capitaine expérimenté. Le régiment avait perdu Beaucoup d’artilleurs dans les campagnes précédentes et se reconstituait dans l’Est, apprenant à tirer, sur le front calme de Lorraine, à des canonniers américains. Les servants, agiles et adroits, constituaient des équipes « où la suppression de galons n’aurait en rien modifié les attitudes réciproques ». Jean Bernard y avait à peine subi l’épreuve du feu : pour un artilleur, un tir de contrebatterie.
    Pétain avait désigné la 14 e division pour partir vers l’ouest en renfort, dans la nuit du 29 au 30 mars. Chaque pièce était attelée à ses six chevaux et prenait ainsi la route, suivie de ses

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