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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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seul blessé à la compagnie, chargé dans une brouette.
    Pour échapper au repérage, on prend un sentier forestier où il faut traîner au brancard les voiturettes de mitrailleuses. Le bataillon s’installe sur une position rapidement débordée. Il faut constamment reculer, pour atteindre le bourg en ruine de Lassigny. La situation devient tragique quand les Feldgrau réussissent une percée à la gauche de la division. Les régiments refluent, les liaisons deviennent impossibles, le PC alterne les ordres et les contrordres qui arrivent ou n’arrivent pas.
    Furieux, le général Humbert limoge Margot et remplace le commandant Lipps, de l’artillerie divisionnaire, qui commence seulement à prendre position avec un retard jugé inadmissible. Les soldats pillent les coopératives pour se gaver de confitures. Les Allemands ne sont pas en reste : ils dévalisant les caves de Lassigny, ils arrêtent brusquement dans ce secteur leur avance de nuit. Les tonneaux de vin généreux ont eu provisoirement raison de leur ardeur offensive.
    Les poilus du 338 e sont très heureux de retrouver d’anciennes tranchées françaises pour s’y retrancher sans avoir à creuser. Ils mangent leur premier repas chaud depuis le début de la campagne. Le bataillon de Louis Masgelier n’a plus que deux compagnies. Il a perdu presque toutes ses mitrailleuses. Les poilus dorment assis. Ils attendent la relève. Mais l’avance ennemie reprend le 27 mars, plus forte que jamais.
    *
    Colin tire sur sa pipe, perplexe. Sur la paille d’une cabane où il prend deux heures de repos, il fait le point de la retraite. Seul le 307 e d’Angoulême, dont le colonel vient d’être destitué, a montré du flottement. Les autres unités tiennent le choc et surmontent leur fatigue. Le 338 e se remet de ses épreuves. Les instituteurs creusois assistent, impuissants et outrés, au déchaînement de leurs camarades qui mettent au pillage le village abandonné de Neuville-sur-Ressons. Les caves, les poulaillers, mais aussi les buffets, les armoires dans les chambres, « mille détails affreux qui me bouleversent », dit Louis.
    Le colonel Henri Colin, commandant l’infanterie de la 62 e division, a touché un nouveau général, Serrigny, qui naturellement déclare qu’il ne faut plus céder un pouce de terrain. Les renforts arrivent : les cavaliers démontés du 2 e corps de Robillot sont annoncés. Et l’artillerie est enfin en ligne. Mais il faut tenir encore vingt-quatre heures sans secours, au risque de compromettre cinq groupes de 75 et trois de 155, faute de soutien suffisant d’infanterie.
    Colin part de nuit en voiture, grelottant de froid malgré sa peau de bique. Il tombe sur un bataillon du 4 e zouaves. Il obtient du colonel que ces braves partent immédiatement en ligne, pour tenir la position. Ils replient leurs tentes, éteignent les braseros et marchent aussitôt au combat. Des automitrailleuses arrêtent les fuyards des régiments d’infanterie en retraite et les zouaves ont le temps de creuser des trous individuels car les Allemands n’attaquent pas la nuit.
    La résistance s’organise ainsi, par des initiatives isolées, alors que les états-majors de l’arrière ignorent tout de la position des unités et se préoccupent seulement de « mettre les troupes, au fur et à mesure de leur arrivée, à disposition des chefs qui mènent la bataille ».
    Henri Colin fait creuser des abris et ordonne aux territoriaux d’arrêter tous les éléments perdus des régiments d’infanterie avec ordre de tirer, si nécessaire. Le général Humbert veut lancer sa III e armée dans la contre-attaque, mais les lance-flammes des Allemands refroidissent les ardeurs des zouaves. Le 29 mars, deux groupes de canons lourds tonnent enfin. Les zouaves et les tirailleurs repartent à l’assaut. Le général de la 62 e division commande désormais des troupes qui l’ont rejoint mais ne lui appartiennent pas, des automitrailleuses, des cavaliers à pied, des chasseurs, des unités coloniales.
    Le 30 mars, il faut repousser une formidable attaque allemande, menée en tête par la 5 e division de la Garde prussienne. Colin ne peut opposer à cette troupe d’élite que les unités de l’armée d’Afrique empruntées aux divisions voisines. Les zouaves du 4 e régiment, ceux du 4 e mixte de tirailleurs avaient été enlevés par camions en Champagne le 25 mars, et mis à la disposition du général Humbert, chef de la III e armée, la plus

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