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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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fourgons et chariots de parc. L’étape était de trente-cinq kilomètres.
    Le déplacement de la division bouleversait toute la région et encombrait les routes. L’embarquement des régiments d’infanterie avait commencé en gare de Charmes, le 31 mars. À cette date, le gros de l’offensive Ludendorff sur la Picardie était passé. Les artilleurs attendaient quatre jours pour faire grimper les chevaux dans les wagons. Un seul train pour la batterie, un seul wagon de voyageurs pour les gradés. « Le reste des hommes se répartissait comme il pouvait. » On voulait arrêter un permissionnaire récalcitrant à Besançon, parce qu’il prétendait dormir en première classe.
    Les cheminots du train restaient muets sur leur destination. « On est allé chercher des renforts jusqu’à la frontière suisse », disait l’un d’eux. On marchait plein ouest, sur Chaumont. On laissait passer les convois de permissionnaires. Sur instruction de Pétain, ils avaient la priorité, même sur les renforts. Il faut croire que l’état-major n’avait pas hâte d’engager ses réserves.
    Le train reprenait sa marche « cahin-caha ». Il prenait de l’eau très souvent, et repartait « à une allure d’écrevisse ». Il faisait halte à Versailles-Chantiers, puis à Montfort-L’amaury, enfin à Rantigny dans l’Oise, où l’on entendait le canon. L’artillerie de renfort tournait en rond. Les officiers assuraient qu’ils devaient organiser une deuxième ligne devant Paris, pour résister à la seconde offensive de Ludendorff.
    Savaient-ils que l’attaque générale dans les Flandres avait commencé le 9 avril ? Le train repartait, à petites étapes. Trois semaines de voyage avant d’aboutir au pied du mont Kemmel, déjà aux mains des Allemands. Par Auchy-le-Château, Romercamp, Blangy-sur-Poix, Quevauvillers et Raincheval, les batteries à cheval avaient suivi péniblement la route du Nord, jusqu’au 27 avril.
    Quand elles arrivaient sur le front britannique, le 8 mai, l’offensive allemande avait cessé depuis longtemps. Les artilleurs relevaient en fait des batteries usées qui avaient été renvoyées vers l’arrière : la 14 e division prenait le secteur tenu par la 33 e belge, épuisée par les combats. Ainsi, pendant les deux premières offensives de Ludendorff, cette division pourtant disponible n’avait jamais donné.
    *
    Le 5 e régiment d’artillerie de campagne est envoyé plus vite en Belgique, au secours des Anglais. Les Lyonnais de la 78 e batterie ont quitté les wagons en souffrance au Bourget pour passer la nuit à Paris. Ils ont bu dans les tavernes du boulevard Saint-Denis, avec des femmes « en jupe cloche » et des bourgeois « en trench-coat ». Ils ont dansé toute la nuit au son des trompettes de jazz du Princess’bar, ou des « tangos-exhibition » avec les entraîneuses. À l’aube, ils ont rejoint le convoi de renfort qui partait pour la Belgique [105] .
    Cette unité de choc, commandée jadis par Nivelle et équipée de canons de 75 de campagne, n’est pas affectée au front enfoncé de la Lys. Attribuée à la 133 e division d’infanterie, celle de Passaga à Verdun, elle est commandée par le général Valentin, amputé du bras droit, sept brisques de blessures : un brave à quatre poils, un de ces nouveaux généraux toujours en première ligne et respectés des hommes. Depuis l’échec du Chemin des Dames, la division avait déjà été affectée au front belge, dans la I re armée d’Anthoine. Mais elle en avait été retirée pour être envoyée en renfort sur l’Arve, pendant l’offensive de Picardie du 25 mars au 4 avril.
    Après huit jours de repos seulement, le 11 avril, la batterie, dont les pièces étaient tirées désormais par quatre chevaux en raison des pertes, était retournée en Belgique, avancée dans la région de Bergues, et engagée devant Meteren, mais à partir du 16 avril seulement. Les Parisiens de la classe 17 et les jeunes Lyonnais manquaient d’eau et ménageaient les bouthéons, comptant les boîtes de singe dans les cagnas des dunes recouvertes de tôles ondulées. Les gourdes étaient remplies de bière achetée aux mercantis des estaminets bombardés des villages. Les obus allemands rompaient régulièrement les lignes téléphoniques reliant les batteries aux observatoires. Le souci des téléphonistes de la « cinquième pièce » était de réparer jour et nuit les fils rompus, pour pouvoir transmettre aux chefs

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