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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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de
soulier ; mais…
    « Dieu soit loué, pensa Mahaut,
rien n’est perdu. Allons, jetons-nous à l’eau ! »
    — Mon fils… dit-elle.
    — … mais c’est grand
dommage, continua Poitiers toujours penché, car maintenant nous ne saurons rien
de plus. Evrard s’est pendu cette nuit dans sa geôle du Petit-Châtelet. La
peur, sans doute, d’être de nouveau mis à la gêne.
    Il entendit deux profonds
soupirs ; il se releva, un peu surpris que les deux femmes marquassent
tant de compassion pour le sort d’un inconnu, et de si basse espèce.
    — Vous alliez me dire quelque
chose, ma mère, et je vous ai interrompue…
    Mahaut instinctivement touchait, à
travers sa robe, la relique qu’elle portait sur la poitrine.
    — Je voulais vous dire… Que
voulais-je vous dire, au fait ?… Ah ! oui. Je voulais vous parler de
ma fille Jeanne. Voyons… l’emmenez-vous en votre voyage ?
    Elle avait retrouvé ses esprits, et
son ton naturel. Mais, Seigneur, quelle alerte !
    — Non, ma mère, son état me
paraît l’interdire, répondit Philippe, et moi aussi je souhaite vous entretenir
d’elle. Elle est à trois mois d’accoucher, et il serait imprudent de
l’aventurer sur de mauvaises routes. J’aurai fort à me déplacer…
    Béatrice d’Hirson, pendant ce temps,
voguait dans le monde des souvenirs. Elle revoyait l’arrière-boutique de la rue
des Bourdonnais ; elle respirait le parfum de cire, de suif et de
chandelle ; elle se rappelait le contact des dures mains d’Evrard sur sa
peau, et cette impression étrange qu’elle avait eue de s’unir au diable. Et
voilà que le diable s’était pendu…
    — Pourquoi souriez-vous,
Béatrice ? lui demanda le comte de Poitiers.
    — Pour rien, Monseigneur… sinon
parce que j’ai toujours plaisance à vous voir et à vous écouter.
    — En mon absence, ma mère,
reprit Philippe, j’aimerais que Jeanne vécût ici, auprès de vous. Vous pourrez
l’entourer des soins qu’il faut, et serez mieux à même de la protéger. Pour
tout dire, je me méfie assez des entreprises de notre cousin Robert, qui,
lorsqu’il ne peut venir à bout des hommes, s’attaque aux femmes.
    — Ce qui signifie, mon fils,
que vous me rangez parmi les hommes. Si c’est un compliment, il ne me déplaît
point.
    — En vérité, c’est un
compliment, dit Philippe.
    — Serez-vous toutefois de
retour pour la délivrance de Jeanne ?
    — Je le souhaite fort, mais ne
puis vous l’assurer Ce conclave est si finement embrouillé que je n’en pourrai
dénouer les fils sans patience.
    — Ah ! Il m’inquiète que
vous soyez éloigné pour un si long temps, Philippe, car mes ennemis vont
sûrement en faire leur profit quant à l’Artois.
    — Eh bien ! Prétextez de
mon absence pour ne céder rien, ce sera le plus sage, dit Philippe en prenant
congé.
    Quelques jours plus tard, le comte
de Poitiers partit pour le Midi, et Jeanne vint s’installer à Conflans.
    Ainsi que Mahaut l’avait prévu, la
situation en Artois empira presque aussitôt. Le printemps incitait les alliés à
sortir de leurs châteaux Sachant la comtesse isolée et tenue en quasi-disgrâce,
ils avaient décidé d’administrer directement la province et le faisaient très
mal. Mais l’état d’anarchie leur plaisait assez, et il était à redouter que
leur exemple ne fût suivi dans les comtés voisins.
    Louis X, qui avait regagné le
séjour de Vincennes, résolut d’en finir une bonne fois. Il y était encouragé
par son trésorier, car les impôts d’Artois ne rentraient plus du tout. Mahaut
avait beau jeu de dire qu’on l’avait mise dans l’incapacité de percevoir les
tailles, et les barons opposaient la même réponse C’était le seul point sur
lequel les adversaires fussent d’accord.
    — Je ne veux plus de grands
Conseils, ni de tractations par envoyés parlementaires, ou chacun ment à chacun
et ou rien n’avance, avait déclaré Louis X. Cette fois, je vais procéder
par entretien direct, et amener la comtesse Mahaut à me céder.
    Le Hutin, durant ces semaines-là,
donnait les signes de la meilleure santé. Il n’éprouva que fort peu les
malaises, flux de toux et maux de ventre auxquels il était sujet, les jeûnes
pieux imposés par Clémence lui avaient certainement été salutaires. Il en
conclut que l’envoûtement pratiqué contre lui était resté inopérant. Néanmoins,
par précaution, il communiait plusieurs fois la semaine.
    Également, il entourait

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