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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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d’accepter…
et de vous enquérir par vous-même de ces images baptisées qui nous
représentaient. Ah oui ! Il le faut au plus tôt ; vous y êtes aussi
intéressé que moi. Savez-vous par quel moyen de religion on peut se défendre
des envoûtements ? Tout de même, Dieu est plus fort que le Diable…
    Il ne donnait pas l’impression d’en
être absolument sûr.
    Le comte de Poitiers réfléchissait.
La proposition, d’une certaine façon, le tentait. Quitter pour quelques
semaines la cour, où il était impuissant à empêcher les erreurs, et où il se
trouvait constamment en opposition avec Valois et Mornay… Aller accomplir enfin
une œuvre utile. Emmener avec lui ses amis et soutiens fidèles, le connétable
Gaucher, le légiste Raoul de Presles, Miles de Noyers… un homme de guerre, un
homme de loi et un homme de guerre et de loi, puisque Miles était conseiller au
Parlement après avoir été maréchal de l’ost. Et puis, qui sait ? Celui qui
fait un pape se trouve en bonne position pour recevoir une couronne. Le trône
de l’empire d’Allemagne, auquel son père avait déjà songé pour lui, et qu’il
était en droit de briguer comme comte palatin, pouvait un jour redevenir libre…
    — Eh bien ! soit, mon
frère, j’accepte, pour vous servir.
    — Ah ! le bon frère que
voilà ! s’écria Louis X.
    Il se leva pour embrasser le comte
de Poitiers, et s’arrêta dans son geste en poussant un hurlement.
    — Ma jambe ! Ma
jambe ! La voilà toute froide et parcourue de frémissements ; je ne
sens plus le sol en dessous.
    On eût cru, parce qu’il le croyait,
que le démon, déjà, le tenait par le mollet.
    — Eh quoi ! mon frère, dit
Philippe, vous avez des fourmis dans le pied, voilà tout. Frottez-vous un peu.
    — Ah !… vous
pensez ?…
    Et le Hutin sortit en boitillant,
comme Evrard.
    En rentrant dans ses appartements,
il apprit que les physiciens s’étaient prononcés affirmativement, et qu’il
serait père, avec l’aide de Dieu, vers le mois de novembre. Ses familiers
s’étonnèrent de ne pas le voir, sur l’instant, témoigner pleinement sa joie.
     

VII

« JE PLACE L’ARTOIS SOUS MA MAIN ! »
    Le lendemain, Philippe de Poitiers
fit visite à sa belle-mère afin de lui annoncer son proche départ. Mahaut
d’Artois résidait alors en son château neuf de Conflans, ainsi nommé parce que
situé exactement au confluent de la Seine et de la Marne, à Charenton ;
les aménagements et la décoration n’en étaient pas terminés.
    Béatrice d’Hirson assistait à
l’entretien. Lorsque le comte de Poitiers raconta l’interrogatoire du Templier,
la même pensée vint aux deux femmes ; elles échangèrent un bref regard. Le
personnage employé par le cardinal Caëtani offrait de bien frappantes
similitudes avec le faux fabricant de cierges qui les avait aidées, deux ans
plus tôt, à empoisonner Guillaume de Nogaret.
    « Il serait bien étonnant qu’il
y eût deux anciens Templiers du même nom, et tous deux versés en sorcellerie.
La mort de Nogaret lui était une bonne introduction auprès du neveu de
Boniface. Il est allé se faire payer de ce côté-là ! Oh ! méchante
affaire…» se disait Mahaut.
    — Comment s’est-il présenté,
cet Evrard… pour la figure ? demanda-t-elle à Philippe.
    — Maigre, noir, l’air un peu
fou, et un pied boiteux.
    Mahaut observait Béatrice ;
celle-ci fit un signe affirmatif, avec les paupières. La comtesse d’Artois
sentit le malheur la saisir aux épaules. On allait certainement questionner
davantage Evrard, avec de bons instruments à explorer la mémoire. Et si jamais
il parlait… Non qu’on regrettât beaucoup Nogaret dans l’entourage de
Louis X ; mais on serait trop content de se servir de ce meurtre pour
lui intenter procès, à elle. Quel parti Robert en saurait tirer ! Or il y
avait tout à craindre qu’Evrard parlât, si même ce n’était déjà fait… Mahaut
échafaudait des plans. « Faire occire un prisonnier dans le fond d’une
prison royale n’est pas chose aisée… Qui va m’aider là-dedans, s’il est encore
temps ? Philippe, il n’y a que Philippe ; il faut que je lui avoue.
Mais comment va-t-il prendre cela ? Qu’il refuse de me soutenir, et c’est
ma fin…»
    — L’a-t-on tourmenté ?
demanda-t-elle.
    Béatrice, elle aussi, avait la gorge
sèche.
    — On n’a pas eu le temps…
répondit Poitiers qui s’était baissé pour remettre en place sa boucle

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