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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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cria Louis X Cet homme est possédé.
    Et l’on n’aurait pu dire lequel, du
roi ou de l’envoûteur, était le plus effrayé par l’autre.
    — Les tourments ne servent de
rien, hurlait l’ancien Templier. C’est à cause des tourments que j’ai renié
Dieu.
    Miles de Noyers prit note de cet
aveu spontané.
    — À présent, c’est le repentir
qui me conduit, continua Evrard toujours à genoux. Je vais tout confesser. Nous
n’avions pas de chrême pour baptiser les images. Nous en avertîmes le cardinal
qui se trouvait en consistoire dans la grande église, et qui nous fit répondre
tout bas par son secrétaire Andrieu de nous adresser au prêtre Pierre en
l’église derrière la boucherie, en feignant que ce chrême fût destiné à un
malade.
    Il n’était plus besoin de poser de
questions. Evrard, de lui-même, fournissait des détails, livrait les noms des
gens au service du cardinal.
    — Puis nous prîmes les deux
images et deux chandelles bénites, et encore un pot d’eau bénite en cachant le
tout sous nos frocs, et le frère Bost nous conduisit chez l’orfèvre du
cardinal, nommé Baudon, qui avait fort avenante jeune femme. Il fut le parrain
et sa femme la marraine. Nous avons baptisé les images dans un plat à barbier. Après
quoi, nous les avons rapportées au cardinal, qui nous en fit grand merci, et y
planta lui-même de longues épingles à l’emplacement du cœur et des parties
vitales.
    La porte s’entrouvrit et Mathieu de
Trye montra la tête. Mais le roi, de la main, lui fit signe de se retirer.
    — Ensuite ? demanda Miles
de Noyers.
    — Ensuite le cardinal nous
demanda de procéder à d’autres envoûtements, répondit Evrard. Mais alors je
m’inquiétai parce que trop de gens commençaient d’être dans le secret, et je
suis parti pour Lyon, où je me suis remis aux gens du roi, qui m’ont envoyé
ici.
    — Avez-vous touché les trois
cents livres ?
    — Oui, messire.
    — Peste ! dit Charles de
la Marche Que peut un clerc avoir besoin de trois cents livres ?
    Evrard baissa le front.
    — Les filles, Monseigneur,
répondit-il assez bas.
    — Ou bien le Temple… prononça,
comme pour lui-même, le comte de Poitiers.
    Le roi ne disait rien, abîmé en de
secrètes angoisses.
    — Au Petit-Châtelet ! dit
Poitiers à ses deux bacheliers en désignant Evrard.
    Celui-ci se laissa emmener sans
réagir. Il paraissait brusquement à bout de forces.
    — Ces anciens Templiers
semblent former un beau vivier de sorciers, reprit Poitiers.
    — Notre père aurait dû ne point
brûler le grand-maître, murmura Louis X.
    — Ah ! L’avais-je assez
dit ! s’écria Valois. J’ai tout fait pour m’opposer à cette sentence
funeste.
    — Certes mon oncle, vous
l’aviez dit, répliqua Poitiers. Mais ce n’est plus de cela qu’il s’agit. Il
saute au regard que les rescapés du Temple restent associés, et qu’ils sont
prêts à tout pour le service de nos ennemis. Cet Evrard n’a pas avoué la moitié
de ce qu’il sait. Son conte était préparé, vous pensez bien ; mais tout
n’en peut être inventé. Il en ressort que ce conclave qui se traîne de ville en
ville depuis deux ans déshonore la chrétienté autant qu’il nuit au royaume, et
que des cardinaux s’y conduisent, par âpreté de la tiare, tout juste de manière
à mériter l’excommunication.
    — Ne serait-ce pas le cardinal
Duèze, dit Miles de Noyers, qui nous aurait expédié cet homme afin de nuire à
Caëtani ?
    — La chose n’est pas
impossible, dit Poitiers. Cet Evrard doit se nourrir à toutes les mangeoires,
pourvu que le fourrage y soit un peu pourri.
    Il fut interrompu par Monseigneur de
Valois dont le visage avait pris un grand air de sérieux et de réflexion.
    — Ne serait-il pas souhaitable,
Philippe, que vous fissiez un tour vous-même du côté du conclave, dont vous
montrez que vous connaissez si bien les affaires ? Vous seul, à mon
jugement, êtes apte à débrouiller cet écheveau d’intrigues, faire la lumière
sur ces manœuvres criminelles, et aussi hâter une nécessaire élection.
    Philippe eut un léger sourire.
« Notre oncle se croit bien habile, en ce moment, pensa-t-il. Il a
découvert enfin le moyen de m’écarter de Paris, et de m’envoyer dans un bon
guêpier…»
    — Ah ! Le sage conseil que
vous nous portez là, mon oncle ! s’écria Louis X. Certes, il faut que
Philippe nous rende ce service. Mon frère, je vous saurais bien gré

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