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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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mèche de cheveux derrière une oreille.
     Il ne fallait pas qu’elle laisse l’impatience l’envahir, mais que Dieu lui
     pardonne, les pleurs de son bébé allaient la rendre folle. Avec leur neveu
     Elzéar, François-Xavier était parti s’occuper des animaux. Et si Léo était
     gravement malade ? Au retour des deux hommes, elle demanderait à son mari
     d’aller chercher le docteur. Elle refoula en elle le sentiment d’angoisse qui
     grandissait et commença à chantonner une berceuse. Pendant combien de temps
     encore, la malchance allait-elle s’acharner sur eux ? Elle ne pourrait supporter
     un malheur de plus. Pendant des semaines, elle avait soigné son fils Pierre. Il
     avait été gravement brûlé en sauvant le bébé de Georges des flammes. Suivant les
     ordres du docteur à la lettre, Julianna avait changé les pansements et lavé les
     plaies délicatement. Ce dévouement l’avait empêchée de trop penser à ces sept
     neveux et nièces que le Bon Dieu était venu chercher cette nuit de janvier. Son
     aîné avait vraiment été courageux. Et ce courage ne s’était pas démenti au cours
     des semaines qui avaient suivi. Il avait supporté presque en silence ce martyre
     quotidien. Peut-être n’avait-elle pas été la seule à retenir un cri de douleur
     et de désespoir ! Si Léo pouvait seulement se taire lui aussi !
    — Que c’est tu fais Yvette ? Apporte-moi le biberon de ton petit
     frère, voyons ! s’impatienta-t-elle.
    Yvette serra les dents et obéit. Comme si ce n’était pas assez, Baveux, leur
     petit chien, arriva sur la galerie et se mit à aboyer frénétiquement devant la
     porte.
    — Non, Yvette, penses-y même pas, dit sèchement Julianna. Le chien rentre
     pas !
    La fillette haussa les épaules et vint porter la bouteille à Léo.
    — Combien de fois je t’ai dit de vérifier la température sur ton
     poignet !
    — Excusez-moi, maman, j’ai oublié.
    — Y manquerait plus rien que Léo se brûle aussi.
    Yvette reprit la bouteille. Le petit enfant redoubla de colère. Baveux augmenta
     ses jappements. Constatant que le lait était à peine tiède, Yvette se dépêcha de
     fourrer le biberon dans la bouche de Léo. Le bébé le refusa. L’inquiétude de
     Julianna redoubla. Yvette retourna s’occuper du repas. Ah, non ! le gruau avait
     profité de cette minute de délaissement pour coller au fond. De toute façon, son
     petit frère Jean-Baptiste avalait n’importe quoi, du moment que ça se mangeait.
     Elle jeta un œil à l’étage. Laura, cependant, n’allait pas manquer de rechigner.
     Elle refuserait encore de manger et c’est sur le dos d’Yvette que ça
     retomberait ! Avec brusquerie, elle en remplit trois bols, en donna un à
     Jean-Baptiste et déposa les deux autres sur la table.
    — Si ce maudit chien-là se tait pas, j’en fais de la saucisse à soir, maugréa
     sa mère en tentant vainement de mettre la tétine dans la bouche du bébé.
    De la main, Léo claqua la bouteille. Yvette alla à la porte, l’entrouvrit et
     ordonna à l’animal de faire silence. La pauvre bête se sentait délaissée et
     jappait sa déception. Comme Yvette le comprenait ! Elle aussi était seule. Dès
     que son frère Pierre avait pris du mieux, il était parti habiter chez le curé
     Duchaine. Yvette avaitbien essayé de se tourner vers Mathieu,
     son jeune frère d’un an plus jeune qu’elle, mais celui-ci, depuis la tragédie,
     était encore plus refermé sur lui-même qu’avant. Il avait même recommencé à
     mouiller son lit, ce qui désespérait leur mère, qui en avait déjà assez sur les
     bras comme ça, comme elle le répétait trop souvent.

    — T’as pas encore pissé au lit ? J’en ai assez sur les bras, tu vas arrêter de
     faire le bébé, m’as-tu compris Mathieu Rousseau ? s’énerva Julianna.
    Elle venait de remarquer son fils qui, au haut de l’escalier, grelottait de
     froid dans sa robe de nuit détrempée. Avec de grands yeux ronds, Mathieu fixa sa
     mère d’un air interdit. Personne ne le comprenait. Le feu, le feu... Le méchant
     monsieur Morin l’avait prévenu que s’il parlait de l’oiseau qui fait mal dans
     ses fesses quand il chante, le feu du Diable allait les écorcher vivants… Il en
     avait parlé… à son meilleur ami, son chien Baveux.
    — Va te changer pis va t’occuper de ton chien ! continua sa mère,
     furieuse.
    Julianna se leva et alla asseoir Léo dans sa chaise haute. Elle

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