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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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monde ! Il y avait tant de choses qu’elle ne comprenait pas !
     Désemparée, elle imaginait des scènes atroces. Comment pouvait-on disparaître
     ainsi ? Ne plus être que des os, comme ceux que Baveux aimait ronger ? Est-ce
     que cela avait fait mal ? Peut-être n’étaient-ils pas tous morts ? Et s’il y
     avait des survivants ? Avec le chien, Yvette était partie explorer le bois
     derrière les ruines de la maison. Le cœur battant, elle croyait voir un
     mouvement entre les arbres ou entendre un gémissement, mais ce n’était que le
     vent. Les adultes disaient que c’était l’œuvre du Diable, du malin… Pourquoi
     Satan s’en était-il pris à la famille de son oncle ? Elle était gentille, sa
     tante Rolande ! Oui, Yvette aurait tant eu besoin d’être rassurée ! Mais tout le
     monde semblait en état de choc. Le silence était là pour se protéger. Quand un
     si grand deuil, trop grand, vous touche, pour survivre, c’est chacun pour soi.
     La fillette se sentait abandonnée.
    Refoulant ses larmes, elle termina de dresser la table du déjeuner. À côté du
     pichet de crème, elle mit un bocal rempli de cassonade. Si personne ne faisait
     taire son petit frère Léo qui pleurait et qui réclamait Dieu sait quoi, elle
     allait hurler elle aussi. Toute la nuit, Léo avait pleuré ainsi, se tordant de
     douleur. Sa mère le berçait dans un coin de la cuisine. Enceinte de sept mois,
     Julianna ne savait plus quoi faire pour calmer son petit dernier. Il avait de la
     fièvre et refusait d’avaler quoi que ce soit. Léo avait souvent des coliques.
     Mais cela n’expliquait pas la forte température. Embarrassée par sa grossesse,
     elle changea l’enfant de position. Léoredoubla ses pleurs.
     Qu’est-ce qu’il avait ? À bout de ressources et de patience, elle avait demandé
     à Yvette de faire chauffer une bouteille de lait. Pourtant, Léo, qui allait
     bientôt avoir trois ans, n’était plus vraiment en âge d’avoir un biberon. Yvette
     avait obéi à sa mère, se disant que le dernier de la famille avait toujours des
     passe-droits. Avec mauvaise humeur, Yvette finit de préparer le repas du matin.
     Devant le fourneau, elle brassa le gruau qui épaississait. Dans un autre
     chaudron, le biberon réchauffait dans l’eau bouillante. Si au moins
     Jean-Baptiste, attablé depuis vingt bonnes minutes, ne se prenait pas pour le
     plus grand musicien de quatre ans du monde entier et qu’il ne martelait pas la
     symphonie de la cuillère et du bol ! Yvette chicana son petit frère.
    — Jean-Baptiste, sois patient, c’est presque prêt !
    Elle trancha le pain et entreprit d’en faire griller plusieurs tranches. Pour
     ce faire, elle ajouta quelques morceaux de bois sec qui s’enflammeraient
     rapidement et lui offriraient la flamme dont elle avait besoin. Elle brassa
     vigoureusement le gruau, prit un linge et retira le biberon. Elle le laissa
     refroidir sur le bord du comptoir. Oh non ! les rôties brûlaient ! Elle jeta un
     coup d’œil à l’étage.
    — Mathieu, Laura, descendez tout de suite vous mettre à table ! On va être en
     retard à l’école ! s’écria la grande sœur en se dépêchant de retirer le pain de
     la plaque de la cuisinière.
    — Attention, tu vas réveiller ton oncle Georges, la chicana sa mère.
    Comme si quelqu’un pouvait dormir avec tout ce bruit, songea Yvette en grattant
     la couche noircie du pain. De toute façon, son oncle n’était pas à l’étage. Elle
     avait fait le tour des pots de chambre afin de les vider et avait remarqué
     l’absence de l’homme. Le lit n’était même pas défait. Il avait dû passer la nuit
     ailleurs. Ce ne serait pas la première fois. Son pauvre oncle Georges
     disparaissait souvent pendant des heures quand il ne traînait pas son âme en
     peine, voûté dans la chaise berçante de la cuisine. Yvette savaitque sa mère n’aimait pas quand l’oncle Georges se volatilisait ainsi. Elle
     n’était plus une enfant. Elle avait saisi que ces absences étaient inquiétantes,
     que son père surveillait l’homme dépressif. Elle ouvrit la bouche pour informer
     sa mère de l’inutilité de sa mise en garde puis se ravisa. Ce matin, elle
     n’avait pas envie, en plus du reste, qu’on l’envoie voir à son oncle. Il devait
     s’être endormi, saoul mort, dans un coin de l’étable. Elle irait un peu plus
     tard, si elle en avait le temps.

    Prenant sur elle, Julianna repoussa une

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