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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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général Lariboisière campée sur le Buen Retiro, vingt mille hommes encasernés dans les parages, nous n’avions rien à redouter de ces émeutiers armés de navajas, de broches à rôtir, de bâtons ou de hachereaux de boucher : une volée de canons ou une charge de dragons ou de hussards aurait suffi à les balayer.
    Au palais royal, quelques centaines d’excités s’étaient opposés au départ des derniers membres de la famille royale. Ils avaient rompu les traits qui reliaient l’attelage à la berline et tranché les jarrets des mulets. L’apparition du petit infant, don Francisco, au balcon du palais, avait mis un comble à leur frénésie.
    Ce n’était que le premier des événements qui allaient conduire au drame du 2 mai 1808.

2
Dos de Mayo
    Au lendemain de la tragi-comédie de Bayonne, la vacance du pouvoir ouvrait un gouffre dantesque où toutes les valeurs, politiques comme économiques, allaient sombrer. Laissé dans l’ignorance de ce qui s’était passé au cours de cette rencontre, le peuple était prêt à une insurrection générale, à la manière de ce qui s’était produit à Séville.
    Chaque jour arrachait une pierre supplémentaire à l’édifice en ruine. Des partisans de la royauté et de l’indépendance s’engouffraient par bandes dans la capitale, comme des pelletées de charbon jetées sur un brasier.
    Joachim Murat ne savait où donner de la tête. À chaque sortie, au cours des revues ou de simples promenades équestres, il était sifflé, traité de « tête de lard », et recevait des volées de pierre, au risque de vider les arçons, sans que l’ardeur de son sang pût le faire réagir.
    Le capitaine Marcellin Marbot, membre de l’état-major de Murat, originaire du village d’Altillac, au sud de la Corrèze, presque mon voisin, me dit, au lendemain de ces événements :
    — J’ai l’impression que l’Empereur veut faire avaler au peuple espagnol, en lui pinçant les narines, une potion amère qui lui répugne. À l’heure qu’il est, il ne fait que la recracher avec des grimaces, mais gare à la prochaine administration de ce remède et aux ruades !
    Je l’avais rencontré quelques jours auparavant, alors que nous allions aux nouvelles à l’hôtel des Postes, le rendez-vous des officiers. Nous y avions pénétré au moment où retentissait une violente altercation entre notre général de division, Pierre Dupont de l’Etang, originaire de Chabanais, et son second, Dominique Vedel. Ils se détestaient au point qu’enfermés dans la même cage ils se seraient étripés.
    Ils venaient d’apprendre d’un aide de camp du général de division Savary, tout juste récompensé du titre de duc de Rovigo, de retour de l’entretien de Bayonne, la décision unilatérale de l’Empereur de faire abdiquer les deux compétiteurs à la couronne pour disposer du trône à sa guise. On ignorait encore sur quelle tête il allait poser cette couronne, et qui aurait la témérité d’accepter ce cadeau empoisonné.
    Voici la scène telle qu’elle se déroula sous mes yeux :
    — Quoi que vous puissiez en penser, s’écria Dupont, je persiste à croire que l’Empereur a mené son jeu avec une rare maestria ! Remettre le vieux Charles sur le trône, c’était confirmer et accélérer la décrépitude de ce pays. Choisir d’y placer Ferdinand, qui nous déteste, vous le savez, c’était le livrer à l’aventure !
    — Voire… bougonna Vedel. Attendons pour juger de savoir sur qui va peser sa décision. Un conseil de famille en décidera sans doute.
    En variant les intonations de sa voix, Vedel nous offrit alors la plaisante parodie d’une scène imaginaire :
    — Napoléon : « Voyons… voyons… Qui donc d’entre vous, mes frères, acceptera l’honneur de porter la couronne d’Espagne et des Indes ? Toi, Joseph, mon aîné ? » Joseph : « Moi, sire ? Oubliez-vous que vous m’avez déjà investi du royaume de Naples ? Deux couronnes pour une seule tête, c’est une de trop, et je suis très attaché à mes sujets. » Napoléon : « Soit, mon cher frère, nous en reparlerons… Alors, Lucien, pourquoi pas toi ? » Lucien : « Sire, je vous conjure de garder ce cadeau pour un autre de mes frères. Je suis incapable, vous le savez, de tenir les rênes d’un royaume, et j’ai tant de soucis avec Paris… » Napoléon :

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