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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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possibilité de me désavouer.
    On me traitera d’espion ou d’illuminé et on prétendra que j’avais confectionné moi-même ces sauf-conduits.
    Le prince Eugène se trouva pris au dépourvu.
    — Eh bien, vous... Ils sont suffisamment bien imités pour remplir leur rôle. Et puis, cela vous donne une raison supplémentaire d’agir dans le plus grand secret. Ne vous ai-je pas déjà dit que vous pouviez disposer ?
    Margont se leva, salua et s’avança vers la sortie. La pénombre de la tente l’étouffait, il voulait revoir la clarté du jour, celle-là même qui chassait au petit matin les cauchemars de la nuit. Mais le prince l’interpella.
    — Capitaine ! Le messager que j’avais envoyé informer l’Empereur a proposé cinq noms d’enquêteurs à Sa Majesté. C’est vous que l’Empereur a choisi. Il vous accorde toute sa confiance et est persuadé que vous saurez vous montrer digne de cet honneur.

 
    3.
    Margont voulait tout d’abord interroger l’aubergiste avant qu’il ne soit expédié à « Vieja la va au diable », village qui se peuplait décidément bien vite ces temps-ci. Les geôliers avaient été avertis de cette visite et conduisirent Margont auprès du prisonnier, non sans l’avoir soigneusement désarmé au préalable.
    « Pauvre homme » : les deux mots venaient immédiatement à l’esprit lorsque l’on contemplait Maroveski. Le ciel lui était tombé sur la tête. Il avait dépassé la quarantaine. Ses cheveux roux étaient emmêlés. Son ventre proéminent et ses joues flasques contrastaient avec ses orbites excavées et assombries par des cernes. Ses yeux rendus vitreux par les larmes regardaient sans voir. Avec quelques secondes de retard, il réalisa que quelqu’un venait de pénétrer dans sa cellule.
    — Mon capitaine, j’ai rien fait ! s’exclama-t-il en sanglotant.
    — Je le sais, dit Margont. Comment se fait-il que vous parliez français ?
    — J’ai participé à la campagne de Pologne. Dieu bénisse les Français qui nous ont libérés ! J’étais cantinier. Je suivais vos troupes et je vendais du bon pain et de la vodka. Du vin chaud, aussi, et du lard bien grillé !
    — Je vous ferai servir tout cela ici.
    — Et des oeufs, aussi ?
    — À s’en faire éclater le foie ! Écoutez-moi attentivement : personne ne vous fera de mal. Vous allez rester ici...
    Maroveski poussa un cri à fendre l’âme d’un bourreau.
    — Vous n’êtes pas prisonnier, précisa Margont. Pas exactement... Vous connaissiez cette femme qui a été assassinée. Je suis chargé de l’enquête. Quand le coupable aura été arrêté, vous serez libre à condition de ne jamais prononcer un seul mot au sujet de cette histoire.
    — Je le jure ! Je le jure sur la Sainte Vierge ! Faites-moi sortir d’ici, mon capitaine ! Je dirai rien !
    — Vous restez ici pour l’instant !
    Même s’il n’avait pas le choix, Margont s’en voulait de sa dureté. Les grenadiers de la Garde royale détenaient leur captif dans la cave d’une ferme réquisitionnée. L’endroit était froid et les pierres des murs et des voûtes suintaient d’humidité. La lumière du jour ne provenait que d’un soupirail barré par les bottes d’un grenadier. Il n’y avait rien à faire ici à part graver sa détresse sur les parois. Ce lieu oppressait Margont. Il lui rappelait les années de son enfance passées dans une cellule monastique. Le bruit du pêne qui venait bloquer l’ouverture. Les pas de celui qui possédait la clé s’éloignant. Le silence, l’ennui mortel, le désespoir. Si Margont avait été enfermé ici, il aurait tenté de s’évader par tous les moyens. Tous.
    — Vous lisez ?
    — Je sais pas lire.
    — C’est bien dommage. On vous servira de bons repas et vos gardiens vous emmèneront régulièrement faire une promenade. Et, dès que ce sera possible, je vous ferai libérer.
    Maroveski n’osait rien dire. Il était brisé. Ses incisives jaunies mordillaient nerveusement sa lèvre inférieure.
    — Parlez-moi de la femme qui est morte, poursuivit Margont.
    L’homme blêmit. Il revit le corps en sang, l’expression de souffrance du visage... C’était peut-être cela, la pire des mutilations qu’elle avait subies.
    — C’est pas moi... balbutia-t-il.
    — Ça, je le sais. Calmez-vous.
    De désespéré, Maroveski devint brutalement méfiant.
    — Pourquoi un capitaine fait une enquête sur la mort de Maria ? Pour vous, c’était qu’une

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