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Les rêveries du promeneur solitaire

Les rêveries du promeneur solitaire

Titel: Les rêveries du promeneur solitaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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nanima menzôgna ! or quando è il vero Si bello che si
possa a te preporre ?
    Cet accident me fut pourtant bien sensible par la circonstance,
car c'était le temps des exercices où l'on faisait manoeuvrer la
bourgeoisie, et nous avions fait un rang de trois autres enfants de
mon âge avec lesquels je devais en uniforme faire l'exercice avec
la compagnie de mon quartier. J'eus la douleur d'entendre le
tambour de la compagnie passant sous ma fenêtre avec mes trois
camarades, tandis que j'étais dans mon lit. Mon autre histoire est
toute semblable, mais d'un âge plus avancé. Je jouais au mail à
Plainpalais avec un de mes camarades appelé Pleince. Nous prîmes
querelle au jeu, nous nous battîmes et durant le combat il me donna
sur la tête nue un coup de mail si bien appliqué que d'une main
plus forte il m'eût fait sauter la cervelle. Je tombe à l'instant.
Je ne vis de ma vie une agitation pareille à celle de ce pauvre
garçon voyant mon sang ruisseler dans mes cheveux. Il crut m'avoir
tué. Il se précipite sur moi, m'embrasse, me serre étroitement en
fondant en larmes et poussant des cris perçants. Je l'embrassais
aussi de toute ma force en pleurant comme lui dans une émotion
confuse qui n'était pas sans quelque douceur. Enfin il se mit en
devoir d'étancher mon sang qui continuait de couler, et voyant que
nos deux mouchoirs n'y pouvaient suffire, il m'entraîna chez sa
mère qui avait un petit jardin près de là. Cette bonne dame faillit
à se trouver mal en me voyant dans cet état. Mais elle sut
conserver des forces pour me panser, et après avoir bien bassiné ma
plaie elle y appliqua des fleurs de lis macérées dans l'eau-de-vie,
vulnéraire excellent et très usité dans notre pays. Ses larmes et
celles de son fils pénétrèrent mon coeur au point que longtemps je
la regardai comme ma mère et son fils comme mon frère jusqu'à ce
qu'ayant perdu l'un et l'autre de vue, je les oubliai peu à
peu.
    Je gardai le même secret sur cet accident que sur l'autre, et il
m'en est arrivé cent autres de pareille nature en ma vie, dont je
n'ai pas même été tenté de parler dans mes Confessions, tant j'y
cherchais peu l'art de faire valoir le bien que je sentais dans mon
caractère. Non, quand j'ai parlé contre la vérité qui m'était
connue ce n'a jamais été qu'en choses indifférentes, et plus ou par
l'embarras de parler ou pour le plaisir d'écrire que par aucun
motif d'intérêt pour moi, ni d'avantage ou de préjudice d'autrui.
Et quiconque lira mes Confessions impartialement, si jamais cela
arrive, sentira que les aveux que j'y fais sont plus humiliants
plus pénibles à faire que ceux d'un mal plus grand mais moins
honteux à dire, et que je n'ai pas dit parce que je ne l'ai pas
fait. Il suit de toutes ces réflexions que la profession de
véracité que je me suis faite a plus son fondement sur des
sentiments de droiture et d'équité que sur la réalité des choses,
et que j'ai plus suivi dans la pratique les directions morales de
ma conscience que les notions abstraites du vrai et du faux. J'ai
souvent débité bien des fables, mais j'ai très rarement menti. En
suivant ces principes j'ai donné sur moi beaucoup de prise aux
autres, mais je n'ai fait tort à qui que ce fût, et je ne me suis
point attribué à moi-même plus d'avantage qu'il ne m'en était dû.
C'est uniquement par là, ce me semble, que la vérité est une vertu.
A tout autre égard elle n'est pour nous qu'un être métaphysique
dont il ne résulte ni bien ni mal. Je ne sens pourtant pas mon
coeur assez content de ces distinctions pour me croire tout à fait
irrépréhensible. En pesant avec tant de soin ce que je devais aux
autres, ai-je assez examiné ce que je me devais à moi- même ?
S'il faut être juste pour autrui il faut être vrai pour soi, c'est
un hommage que l honnête homme doit rendre à sa propre dignité.
Quand la stérilité de ma conversation me forçait d'y suppléer par
d'innocentes fictions j'avais tort, parce qu'il ne faut point pour
amuser autrui s'avilir soi-même ; et quand, entraîné par le
plaisir j'ajoutais à des choses réelles des ornements inventés,
j'avais plus de tort encore parce que orner la vérité par des
fables c'est en effet la défigurer. Mais ce qui me rend plus
inexcusable est la devise que j'avais choisie. Cette devise
m'obligeait plus que tout autre homme à une profession plus étroite
de la vérité, et il ne suffisait pas que je lui sacrifiasse partout
mon intérêt et

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