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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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d’entre nous, avait-il murmuré à son
oreille.
    Hernando avait levé son verre et acquiescé.
    — Allah est grand, avait murmuré Abbas en levant le
sien pour trinquer.
    Dans son appartement, au cœur de la nuit silencieuse,
Hernando pouvait entendre la rumeur de la centaine de chevaux sous la
solive ; certains grattaient la terre, inquiets, d’autres hennissaient ou
s’ébrouaient. Mais il pouvait également les sentir. Et cette odeur n’avait rien
à voir avec celle du fumier putréfié de la tannerie ! Certes, il
s’agissait d’une odeur forte et pénétrante, mais saine. Régulièrement, le fumier
des écuries royales était transporté au potager contigu de l’Inquisition. Pour
cette raison, il ne pourrissait jamais sous les pattes des chevaux.
    Il ferma le Coran et, faute de meilleure cachette, le rangea
dans le grand coffre. Il chercherait un endroit plus sûr, songea-t-il en
observant le livre au fond du coffre, la seule chose que contiendrait ce meuble
jusqu’à l’arrivée de Fatima. Alors elle le remplirait, peu à peu, avec des
objets et des vêtements, peut-être ceux d’un enfant. Il ferma le coffre et jeta
la clé. Fatima ! Il aurait de toute façon accepté le livre, sans nul
doute, mais quand Abbas lui avait avoué qu’ils comptaient aussi sur elle, il
n’avait plus hésité.
    — Ce sont nos femmes qui enseignent à nos enfants, lui
avait expliqué le maréchal-ferrant. D’elles dépend leur éducation, et toutes
acceptent avec orgueil et espoir. Par ailleurs, de cette façon on évite les
dénonciations à l’Inquisition. Il est presque inimaginable qu’un fils dénonce
sa mère. Toi, tu ne peux ni ne dois te réunir avec des femmes pour leur
expliquer la doctrine ; seule une femme peut le faire. Personne ne
soupçonne une femme qui retrouve d’autres femmes.

 
34.
    L’idda de deux mois avait été accomplie, mais Karim pria
Hernando de ne pas venir chercher Fatima avant le dimanche suivant, après la
grand-messe. Conformément à la loi de Mahomet, ils n’étaient pas encore mariés
et la cérémonie, qui serait célébrée en secret, posait un sérieux problème à
Hernando : il n’avait pas d’argent pour l’idaq de la mariée. Sans dot,
l’union ne pouvait avoir lieu. La majeure partie de son salaire avait fini
entre les mains du chef de la prison, et le peu qui restait lui servait à
couvrir ses frais. Il ne disposait pas du quart de pistole qu’exigeait la
loi ! Comment pouvait-il ne pas y avoir pensé ?
    — Une bague suffira, avait tenté de le rassurer Hamid
quand il lui avait exposé son problème.
    — Je n’ai pas non plus assez pour cela, avait-il gémi
en songeant aux coûteux ateliers d’orfèvrerie de Cordoue.
    — Une bague en fer, ça ira.
    Le dimanche suivant, Hernando prit la direction de l’église
de San Bartolomé, calle de los Moriscos, à Santa Marina. Il traversa tout
Cordoue le plus lentement possible, pour laisser du temps à Karim et à Fatima,
sans cesser de caresser entre ses doigts le magnifique anneau en fer que lui
avait forgé Abbas à partir d’un reste de métal. Avec ses grandes mains, si
différentes de celles, délicates, des bijoutiers, Abbas avait même réussi à y
graver de minuscules encoches décoratives.
    Dans la rue, deux jeunes Maures qui feignaient de discuter
mais surveillaient en réalité l’éventuelle apparition d’un prêtre ou d’un
magistrat, le saluèrent cordialement. Un troisième, qui surgit de nulle part,
l’accompagna jusqu’à la maison de Karim : un bâtiment petit et vieux, d’un
seul étage, avec un jardin potager à l’arrière, commun à plusieurs familles
selon l’usage.
    Toutefois les femmes étaient parvenues à blanchir sa façade
à la chaux, comme celles de la plupart des maisons modestes de la calle de los
Moriscos, et son intérieur, à l’instar des maisons de Grenade, se présentait
immaculé.
    Jalil, Karim et Hamid accueillirent Hernando ; ils
étaient les premiers de la toute petite liste d’invités indispensables pour que
l’union atteigne la notoriété requise dans les mariages ; peu de coutumes
pouvaient encore être respectées à Cordoue. Hamid le prit dans ses bras, mais
le jeune homme pensait à sa mère : la deuxième fois qu’il était allé lui
rendre visite en prison, Aisha l’avait supplié de ne plus revenir :
« Tu as un bon travail chez les chrétiens, avait-elle argumenté. Je
sortirai vite d’ici. Il ne faut pas qu’on te voie auprès

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