Les révoltés de Cordoue
et
diagnostiqué qu’il faudrait intervenir dans la zone du gland du membre
d’Alonso, ce dernier avait refusé d’être soigné tant qu’un greffier public
n’aurait pas attesté par écrit que son membre n’était pas circoncis. C’est
Hernando qui avait dû courir à la recherche du greffier. La crainte qu’Alonso
ne se vide de son sang le temps que le fonctionnaire réponde et se mette en
marche n’avait semblé effleurer personne : tous les présents, y compris le
chirurgien, avaient trouvé logique la requête du jeune homme. Il était plus
important de ne pas être pris pour un juif ou un musulman que de rester
vivant ! À la surprise d’Hernando, dès qu’il lui eut expliqué la
situation, le greffier avait réagi sans attendre, lui demandant de porter ses
papiers et son matériel pour écrire, puis il s’était précipité aux écuries où,
après avoir examiné l’entrejambe du blessé, il avait suivi avec intérêt les
doigts et les explications du chirurgien entre le sang et la chair déchirée,
afin de constater personnellement que le dénommé Alonso n’était effectivement
pas déjà circoncis. Alors il avait consigné par écrit que lors de cette
intervention, et pour des raisons médicales d’après le chirurgien, il avait été
nécessaire de procéder à l’ablation du prépuce du cavalier. Puis il avait remis
le document au malade, qui s’en était emparé comme s’il contenait toute sa vie…
son honneur !
— Je ne pense pas qu’Alonso puisse remonter un jour,
avait fait remarquer don Diego à son laquais, après avoir signé le document
public en tant que témoin. Tu sais monter ? avait-il demandé brusquement à
Hernando, resté au côté du greffier.
— Oui…, avait bredouillé le Maure, face à cette
opportunité qu’il désirait tant.
Don Diego avait vérifié cette affirmation en le faisant
monter un cheval de quatre ans, prêt à être livré au roi. Dès qu’il avait senti
entre ses jambes la puissance de l’animal, tous les conseils d’Abén Humeya
avaient résonné un par un dans sa tête : dressé ; droit ; fier,
surtout fier ; la main douce ; ce sont les jambes qui
commandent ; énergique seulement si c’est nécessaire ; danse !
Danse avec ton cheval ! Sens-le comme s’il faisait partie de toi ! Et
il avait dansé avec le cheval, exigeant de lui les mouvements qu’il avait
observés pendant des milliers de jours, et que les cavaliers experts obtenaient
de leurs montures lorsqu’ils les faisaient travailler dans le patio des chevaux
ou sous les arcades, le manège couvert que le roi avait ordonné de construire pour
protéger les animaux du climat extrême de l’été et de l’hiver. Lui-même s’était
étonné de la réponse du cheval à ses jambes et à sa main, s’extasiant de
l’allure et du dressage de cet exemplaire de pure race espagnole.
— Il possède le même instinct, le même talent, que pied
à terre avec les poulains, avait commenté don Diego à José et Rodrigo tandis
qu’ils contemplaient tous trois les évolutions du cavalier et du cheval.
Apprenez-lui tout ce que vous savez.
Et les dresseurs lui avaient transmis tout leur savoir,
comme don Julián, dans la bibliothèque de la cathédrale de Cordoue, que le
conseil municipal avait décidé de déménager cette même année. Au côté du
prêtre, Hernando avait approfondi sa connaissance de la langue sacrée,
finissant par dominer l’arabe savant. Il venait la nuit à la mezquita, après
avoir travaillé aux écuries, quand les religieux et les fidèles étaient moins
nombreux, avant les offices de complies, parfois même après la fermeture des
portes du temple. Don Julián était le dernier religieux que les mudéjars
d’abord, les Maures ensuite, après que le cardinal Cisneros et les Rois
Catholiques eurent ordonné leur expulsion ou leur conversion forcée, avaient
réussi à introduire subrepticement dans la grande mezquita cordouane.
— Depuis que le roi Fernando a reconquis Cordoue et que
la mezquita est tombée aux mains des chrétiens, lui avait expliqué don Julián
de sa voix douce, alors qu’ils étaient assis tous deux, seuls, à une table de
la bibliothèque, tête contre tête, face à des documents et à la lueur d’une
lampe, il y a presque toujours eu un musulman déguisé sous les habits d’un
prêtre. Le but est de prier dans cette enceinte sacrée, même en silence, ainsi
que de savoir ce que pense l’Église, ce qu’elle
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