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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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refusait de parler. Dès que le
maréchal-ferrant s’intéressait à un détail concret, lui demandait d’être plus
précise sur l’endroit où le massacre avait eu lieu, Aisha ânonnait comme unique
réponse « quelque part dans la montagne », et éclatait en sanglots
avant de terminer invariablement par ces mots :
    — Je t’en supplie. Va chercher mon fils.
    Abbas en était là, avançant pas à pas sous le soleil
d’Andalousie, l’estomac retourné, la bile au bord des lèvres et les larmes aux
yeux, réfléchissant à la façon d’annoncer à son meilleur ami que son épouse et
ses deux enfants avaient été sauvagement assassinés au cœur de la Sierra
Morena.
     
    Toutes les phrases auxquelles il avait songé s’effacèrent de
son esprit à la vue d’Hernando, qui abandonna le troupeau et sauta avec agilité
d’Azirat pour courir jusqu’à lui, hâlé par le soleil, ses yeux bleus plus
brillants que jamais, ses dents éclatantes en un large sourire sincère.
    La vue d’Abbas s’embua ; la manade se transforma en une
simple masse informe. Cependant, il réussit à percevoir qu’Hernando s’arrêtait
brusquement à quelques pas de lui. Sa présence se confondit avec les mille
taches sombres des juments derrière lui, et les paroles d’Hernando lui parurent
lointaines, comme transportées par le vent depuis un lieu très reculé.
    — Que se passe-t-il ?
    — Ubaid…, murmura Abbas.
    — Quoi Ubaid ?
    Hernando le transperçait de ses yeux bleus, remplis à présent
d’une inquiétude croissante.
    — Il est arrivé quelque chose ? Les miens… vont
bien ? Parle !
    — Il les a tués, parvint à articuler le
maréchal-ferrant, sans pouvoir lever le regard. Tous, sauf ta mère.
    Hernando resta muet. Pendant quelques instants, il demeura
immobile, comme si son cerveau refusait d’admettre ce qu’il venait d’entendre.
Puis, très lentement, il porta les mains à son visage et hurla en direction du
ciel. Fatima ! Les enfants !
    — Fils de pute ! s’exclama-t-il soudain à
l’attention d’Abbas.
    Il frappa le maréchal-ferrant, qui tomba par terre, et se
jeta sur lui.
    — Chien ! Tu m’avais promis qu’ils étaient en
sécurité ! Je t’avais chargé de veiller sur eux, de les protéger !
    Hernando cognait Abbas, inerte, incapable d’esquiver les
coups.
    Avant de perdre connaissance, le maréchal-ferrant sentit que
des hommes emportaient Hernando, qui criait des paroles inintelligibles.
     
    Ils n’étaient pas encore à Séville quand Azirat refusa de continuer
à galoper au rythme que lui avait infligé Hernando depuis leur départ du Lomo
del Grullo. Le jeune homme planta une fois de plus ses éperons dans les flancs
du cheval, comme il l’avait fait tout au long des sept lieues qu’ils avaient
parcourues à vive allure. Mais l’animal était incapable de tenir davantage la
cadence et son galop, malgré le châtiment, se fit plus lent et plus lourd. Il
finit par s’arrêter.
    — Allez ! cria Hernando, éperonnant l’animal et
jetant son corps en avant.
    Mais Azirat, simplement, chancela.
    — Allez, gémit-il en secouant frénétiquement les rênes.
    Le cheval tomba à genoux sur le chemin.
    — Dieu ! Non !
    Hernando sauta à terre. Azirat était plein de bave ;
les flancs ensanglantés, les naseaux démesurément ouverts dans son effort pour
respirer. Hernando posa la main sur son cœur : on aurait dit qu’il allait
exploser.
    — Qu’ai-je fait ? Toi aussi tu vas mourir ?
    La mort ! La frénésie du galop dans laquelle il avait
tenté de se réfugier s’évanouit devant l’animal brisé, et la douleur transperça
de nouveau Hernando. En larmes, il tira sur les rênes, obligeant Azirat à se
relever et à marcher. Le cheval titubait comme un ivrogne. Non loin, un
ruisseau coulait. Hernando attendit que le cheval ait un peu récupéré avant de
s’en approcher. Il ne le laissa pas boire seul : il lui offrit de l’eau
dans ses mains jointes, qu’Azirat fut incapable de lécher. Hernando retira sa
selle, ses brides, et se servit de sa propre tunique comme éponge pour lui
frotter tout le corps avec de l’eau fraîche. Le sang sur ses flancs, qu’il
avait fait couler avec les pointes de ses éperons, s’associa dans l’imagination
du jeune homme à la brutalité d’Ubaid. Il répéta plusieurs fois l’opération,
puis obligea l’animal à avancer, sans cesser de lui offrir de l’eau avec ses
mains. Au bout de deux heures, Azirat

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