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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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de lui et soufflant comme un bœuf, vers le muletier de Narila.
    — Ne t’approche pas de lui, le menaça le laquais qui
avait payé le baron, faisant mine d’empoigner son épée.
    Parmi les hommes qui l’entouraient, plusieurs dégainèrent la
leur dès qu’ils perçurent l’attitude du serviteur de leur seigneur.
    — Que… ? commença à gronder Brahim.
    — Nous ne t’avons pas entendu donner ton accord au
nouveau traité, l’interrompit le laquais.
    — D’accord, céda immédiatement le corsaire, avant
d’écarter violemment le valet de son chemin.
    Ubaid était resté à genoux aux pieds du cheval du marquis,
s’efforçant de ne pas perdre la face, jusqu’au moment où il entendit la voix de
Brahim, tourna la tête et reçut un puissant coup de pied dans la bouche.
    — Chien ! Porc marrane ! Sale fils de
pute !
    Fatima, enveloppée dans la couverture sale et râpeuse dont
l’avait recouverte Brahim, et Aisha tentèrent d’observer la scène entre les
ombres dansantes nées du feu des torches, des hommes et des chevaux :
Ubaid !
    Brahim avait envisagé mille façons différentes de jouir de
la mort lente et cruelle qu’il réservait au muletier de Narila, mais la moue
méprisante que celui-ci lui renvoya depuis le sol, la bouche ensanglantée,
l’irrita de telle manière qu’il en oublia toutes les tortures dont il avait
rêvé. Tremblant de colère, il dégaina l’alfange et l’engagea à travers le corps
du monfí, perçant son estomac sans provoquer sa mort. Seul le marquis demeura
immobile à sa place ; les autres hommes s’écartèrent à la hâte d’un homme
devenu fou qui, tout en proférant des insultes quasi incompréhensibles,
s’acharnait sur Ubaid, pelotonné sur lui-même, qu’il ne cessait de blesser de
son alfange, aux jambes, à la poitrine, aux bras ou à la tête.
    — Il est mort, fit remarquer le marquis sur son cheval,
profitant d’un instant où Brahim marquait une pause pour reprendre son souffle.
Il est mort ! cria-t-il cette fois en voyant que le corsaire s’apprêtait à
recommencer.
    Brahim s’arrêta, haletant, tremblant des pieds à la tête, et
abaissa son arme pour demeurer immobile au côté du cadavre déchiqueté d’Ubaid.
Sans regarder personne, il s’agenouilla et, avec le moignon de sa main droite,
retourna la masse de chair de ce qui avait été son dos. Beaucoup des hommes
présents, y compris le marquis – même si son visage dissimulé ne le montrait
pas –, pourtant endurcis aux horreurs de la guerre, détournèrent le regard
quand Brahim laissa tomber l’alfange et empoigna une dague avec laquelle il
ouvrit la poitrine du monfí, en quête de son cœur. Puis il fouilla à
l’intérieur de son corps et l’arracha. À genoux, il le regarda : l’organe
paraissait encore palpiter. Il cracha dessus et le jeta à terre.
    — Nous partirons à l’aube, dit Brahim en s’adressant au
marquis.
    Il s’était relevé, trempé de sang.
    Le noble se contenta d’acquiescer. Alors Brahim se dirigea
vers l’endroit où se tenait Fatima et lui saisit le bras. Il avait encore une
partie de ses rêves à réaliser. Mais auparavant, cependant, il devait parler à
Aisha.
    — Femme !
    Aisha leva le visage.
    — Dis à ton fils, le nazaréen, que je l’attends à Tétouan.
S’il veut retrouver ses enfants, il faudra qu’il vienne les chercher aux
Barbaresques.
    Tandis que le corsaire faisait demi-tour en entraînant
Fatima, Aisha croisa le regard de celle-ci. Un regard qui la suppliait :
« Non ! Ne lui dis rien ! »
    Jusqu’à l’heure où le ciel commença à changer de couleur,
nul ne dérangea Brahim, enfermé avec Fatima dans la chambre à l’étage de
l’auberge.

 
41.
    À l’aube, quand les cortèges respectifs de Brahim et du marquis
disparurent dans le lointain, Aisha quitta l’auberge du Montón de la Tierra.
Les laquais du marquis avaient enterré le cadavre d’Ubaid près de
l’établissement afin d’effacer toute trace. Aisha avait passé la nuit blottie
dans un coin, auprès de Shamir et de ses petits-enfants, s’efforçant de les
rassurer, luttant pour refouler ses larmes. Elle savait qu’elle était sur le
point de perdre un autre fils… Que lui avait réservé Dieu ?
    Avant de partir, Brahim était descendu de sa chambre,
satisfait, suivi de près par Fatima, qui marchait avec douleur, enveloppée des
pieds à la tête dans une couverture ; seuls ses yeux apparaissaient, à
travers un trou

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