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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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généreuse
pension mensuelle qu’Hernando ne savait même pas comment dépenser. C’eût été un
affront pour la maison de don Alfonso de Córdoba qu’un de ses protégés
s’abaisse à exercer un travail, quel qu’il fût !
    Toutefois, et malgré l’estime que lui portait le duc,
Hernando demeurait exclu des activités sociales auxquelles s’employaient tous
ces oisifs hidalgos. Le duc avait ses propres devoirs et obligations à la cour,
en plus de celles imposées par ses domaines, riches et étendus, qui
l’obligeaient à s’absenter de Cordoue pendant de longues périodes. Même s’il
lui avait sauvé la vie, Hernando restait un Maure, péniblement toléré par
l’orgueilleuse société cordouane.
    Et il se passait la même chose avec ses frères de foi. La
nouvelle qu’il avait libéré le duc lors de la guerre des Alpujarras et les
faveurs que cet acte lui rapportaient étaient le sujet de conversation de toute
la communauté. Avec l’espoir que ses coreligionnaires finiraient par comprendre
et n’accorderaient pas plus d’importance à cet événement ancien, il avait
accepté la protection du noble. Mais lorsqu’il voulut se justifier, l’histoire
circulait dans tout Cordoue et les Maures se référaient à lui avec mépris,
utilisant ce surnom haï qui l’avait poursuivi depuis l’enfance : le
nazaréen.
    — Ils ne veulent plus de ton argent. Ils ne veulent pas
accepter quelque chose d’un chrétien, l’informa un jour Aisha, alors qu’il
voulait lui remettre une somme importante pour le rachat d’esclaves.
    En plus de l’argent destiné à cette cause, Hernando donnait
à sa mère tout ce dont elle avait besoin pour vivre convenablement dans la
maison qu’elle partageait avec plusieurs familles maures.
    Le jeune homme partit à la recherche d’Abbas, le seul membre
du conseil encore en vie après l’épidémie de peste qui avait dévasté la ville
deux ans plus tôt, causant près de dix mille morts, le cinquième de la
population, parmi lesquels Jalil et le bon don Julián. Il le trouva aux écuries
royales.
    — Pourquoi n’acceptez-vous pas mon aide ? lui
demanda-t-il seul à seul, dans la forge, après avoir murmuré un salut presque
inintelligible en arrivant.
    La réaction violente qu’avait eue Hernando à l’égard du
maréchal-ferrant à l’annonce de la mort de Fatima et des enfants avait troublé
leur amitié.
    — Fatima et moi avons été les premiers à contribuer à
la libération d’esclaves maures, et nous l’avons fait plus encore que les autres
membres de la communauté, tu t’en souviens ?
    Pendant quelques instants, Abbas détourna son attention des
outils sur lesquels il s’affairait.
    — Les gens ne veulent pas de dons du nazaréen, lui
répondit-il sèchement avant de reprendre ses activités.
    — Précisément, toi plus que quiconque, tu devrais
savoir que ce n’est pas vrai, que je ne suis pas chrétien. Le duc et moi nous
sommes contentés d’unir nos forces pour échapper à un corsaire renégat qui…
    — Je ne veux pas entendre tes explications, l’interrompit
Abbas sans cesser de travailler. Beaucoup de choses ne sont pas vraies, nous le
savons, et pourtant… Tous les Maures ont juré fidélité à leur roi, c’est
pourquoi ils sont humiliés. C’est pourquoi ils ont perdu la guerre. Toi aussi
tu avais juré d’être loyal à la cause, et pourtant tu as aidé un chrétien. Si
tu as pu briser un tel serment, pourquoi juges-tu si durement ceux qui, à un
moment donné, n’ont pas pu tenir leurs promesses ?
    Après avoir prononcé ces paroles, le maréchal-ferrant se
dressa face à lui, imposant. « Pourquoi continues-tu à me
juger ? » interrogeaient ses yeux. « Je n’ai rien pu faire pour
éviter la mort de ton épouse », semblaient-ils vouloir lui signifier.
    Hernando garda le silence. Il posa les yeux sur l’enclume où
les fers prenaient forme. Ce n’était pas la même chose : Abbas lui avait
promis de veiller sur sa famille ; Abbas l’avait assuré qu’Ubaid ne leur
ferait aucun mal ; Abbas… l’avait trahi ! Et Fatima, Francisco, Inés
et Shamir étaient morts. Les siens ! Existait-il un pardon pour
cela ?
    — Je n’ai fait de mal à personne, répliqua Hernando.
    — Ah non ? Rendre la vie et la liberté à un grand
d’Espagne. Comment peux-tu réellement affirmer que tu n’as fait de mal à
personne ? Le résultat des guerres dépend d’eux, de tous et de chacun
d’entre eux ; de

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