Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
Vom Netzwerk:
la voix chérie d’Hamid. Hernando s’était réfugié
dans ces évocations et attendait la fin des interminables journées, la nuit,
pour retrouver les siens, ne fût-ce qu’en rêve. Le reste importait peu :
apparemment sa place n’était pas avec les chrétiens, et elle n’était plus avec
les Maures. Il ne savait rien faire d’autre que monter à cheval. Son travail
aux écuries royales avait pris fin après le triste incident avec Azirat ;
il n’avait plus d’amis. Quel avenir l’attendait s’il quittait le palais ?
Retourner à la tannerie ? Affronter le mépris de ses frères de foi ?
À une occasion, persuadé qu’un travail l’aiderait à sortir de sa mélancolie, il
s’était risqué à insinuer à don Alfonso qu’il pourrait dresser ses chevaux.
Mais la réponse de ce dernier avait été tranchante :
    — Tu ne voudrais pas que les gens croient que je ne
suis pas généreux avec celui qui m’a sauvé la vie ?
    Ils se trouvaient dans le bureau du duc. Don Alfonso lisait
un document tandis que de nombreuses personnes attendaient dans l’antichambre.
    — N’as-tu pas tout ce que tu veux ici ? avait-il
ajouté sans lever les yeux du papier. N’es-tu pas bien traité ?
    Comment aurait-il pu avouer au duc que c’était sa propre
épouse qui l’humiliait ? La gratitude de don Alfonso de Córdoba était
sincère. Hernando le savait, et il ne percevait pas chez lui le moindre soupçon
d’imposture, mais doña Lucía…
    — Eh bien ? avait insisté le noble.
    — C’était une sottise, s’était rétracté Hernando.
    Quoi qu’il arrive, il ne retournerait jamais à la tannerie,
se dit-il ce jour-là, une fois de plus, en arrivant aux portes du palais. Le
gardien le fit attendre un peu avant de lui ouvrir. Il le reçut en silence, sans
la révérence avec laquelle il saluait les autres hidalgos. À l’entrée, le Maure
lui tendit sa cape.
    — Dieu soit avec toi, lui dit-il, tandis que l’homme,
sans le regarder, prenait son vêtement.
    Conscient que le gardien l’observait, Hernando lui tourna le
dos, réprima un soupir et se trouva face à l’immensité du palais : dès
lors, et jusqu’au moment où il pourrait se réfugier dans la solitude de la
bibliothèque, commençait une infinité de petits affronts. Le dîner était sur le
point d’être servi et Hernando vit plusieurs domestiques s’agiter dans le
palais, en silence, à la hâte. Plus de cent personnes servaient les ducs, leur
famille et tous ceux qui pullulaient autour d’eux.
    Hernando avait dû apprendre à distinguer tout ce personnel.
Le chapelain, le majordome, le secrétaire, le valet de chambre du duc et celui
de la duchesse, figuraient à la tête d’une longue liste. Ils précédaient le
maître d’hôtel, le grand écuyer, l’intendant et le trésorier. Derrière
eux : le voyer, le caviste, l’officier de salle et l’officier de
l’argent ; l’acquéreur, le dépensier, le livreur et le greffier. Les
gouvernantes des enfants et leurs professeurs. Et encore des dizaines d’autres
domestiques, hommes pour la plupart ; certains libres, d’autres esclaves,
avec parmi eux plusieurs Maures. Pour finir, une demi-douzaine d’enfants pages.
    Doña Lucía avait exigé qu’Hernando soit instruit selon les
usages de la cour, principalement ceux de la table, une des cérémonies les plus
importantes où les chevaliers devaient se distinguer. La dame avait pris cette
décision après le premier repas d’Hernando à la longue table où étaient assis
les ducs, le chapelain et les onze hidalgos. Ce jour-là, les pages et les
officiers de table avaient servi en premier plat chapons et pigeonneaux, mouton,
chevreau et cochon de lait. Ensuite, le traditionnel potage chrétien, composé
de viande de poule, mouton, bœuf et légumes, le tout préparé avec des livres de
lard pour le bouillon. Après cela, le blanc-manger : cuisses de poule
cuites à feux doux dans une sauce au sucre, lait et farine de riz ; et,
pour finir, feuilletés et fruits. Assis à la droite du duc, face au chapelain,
Hernando s’était retrouvé avec des fourchettes, des couteaux et des cuillères
en argent doré savamment disposés ; assiettes et tasses, coupes et verres
de cristal, salières, serviettes de table et un récipient avec de l’eau que lui
avait apporté un page. Sous le regard narquois des hidalgos et du chapelain,
Hernando avait entrepris de porter le récipient à ses lèvres pour boire l’eau quand
il

Weitere Kostenlose Bücher