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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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cours de ma misérable existence, qu’il
pourrait, grâce à vous, être réalisé. Vous rendez-vous compte ? Depuis
dix-neuf ans, c’est l’âge que je dois avoir maintenant, jamais, jamais je n’ai
eu l’occasion de voir s’accomplir une seule de mes aspirations. Oui. Vous
m’avez recueilli et m’avez donné du travail. Mais à présent je vous parle de mon
aspiration, uniquement de cela ! Je veux juste aider cette jeune fille.
    — Et elle, elle t’aime ?
    Miguel leva le visage et grimaça un sourire amer.
    — Un invalide ? Un domestique ? C’est vous
qu’elle aime…
    — Que dis-tu… ? s’écria Hernando en bondissant de
sa chaise.
    — Je lui ai tellement parlé de vous que je crois bien,
en effet, qu’elle vous aime. Du moins elle vous admire profondément. Vous avez
été le chevalier de mes histoires, celui qui sauve les demoiselles, dompte les
bêtes sauvages, charme les serpents…
    — Es-tu devenu fou ?
    Les yeux bleus d’Hernando semblaient sur le point de sortir
de leurs orbites.
    — Oui, seigneur, répondit Miguel, le visage
congestionné. Ce que je vis depuis quelque temps est une véritable folie.
     
    Ce soir-là, Miguel monta chercher Hernando dans la
bibliothèque où, à la demande de ses complices de Grenade, il avait commencé à
copier une nouvelle fois l’évangile de Barnabé. Puisque don Pedro et les autres
insistaient pour envoyer au sultan l’exemplaire qu’il cachait dans sa bibliothèque,
il devait nécessairement faire une transcription du texte. Il avait réussi à
les convaincre que ce n’était pas encore le bon moment, mais peut-être
serait-il moins persuasif la prochaine fois. Hernando ne pouvait s’empêcher de
nourrir des doutes au sujet des Turcs. Le chef ottoman serait-il capable
d’aider le peuple maure ? Quand l’heure serait venue, il n’aurait qu’à
faire connaître l’évangile annoncé par le Livre muet. Il n’était pas question
qu’il lance son armée contre les troupes du roi d’Espagne, il fallait juste
qu’il devienne ce roi des rois prédit par la Vierge Marie, et qu’il dévoile les
mensonges des papes. Mais même ainsi…
    — Seigneur, dit le jeune garçon en le tirant de ses
pensées, j’aimerais que vous rencontriez Rafaela.
    — Miguel…
    — S’il vous plaît, venez avec moi.
    Le ton de sa voix était si implorant qu’Hernando ne put
refuser. Au fond, il éprouvait une certaine curiosité.
     
    Rafaela attendait à côté d’Estudiante. Elle avait enfoui les
doigts d’une main dans son long crin touffu, et de l’autre caressait ses
lèvres. La lumière était ténue : une seule lampe, à l’écart de la paille,
éclairait faiblement les écuries. Hernando aperçut la jeune fille, qui
l’accueillit avec pudeur, tête basse. Miguel demeura un peu en retrait, comme
s’il prétendait se mettre à l’écart du couple. Hernando hésita. Pourquoi
était-il nerveux ? Qu’avait pu raconter Miguel à Rafaela en plus d’avoir
fait de lui le héros de ses histoires ? Il s’avança vers la jeune fille,
dont le regard était toujours rivé à la paille du sol. Elle portait une
tunique, relevée à la taille pour éviter qu’elle se salisse, une vieille
basquine qui lui descendait jusqu’aux pieds et, sur une chemise, un justaucorps
ouvert avec des manches. L’ensemble, d’une couleur brunâtre, tombait lourdement,
comme si tous ces vêtements simples n’avaient aucune prise. Que lui avait
promis Miguel ? Était-il allé jusqu’à lui affirmer qu’il l’épouserait pour
la délivrer du couvent sans même le consulter ?
    Soudain, Hernando regretta d’être venu aux écuries. Il fit
demi-tour et marcha vers la sortie, mais il tomba sur Miguel, dressé fermement
sur ses béquilles.
    — Seigneur, je vous en conjure, le supplia le garçon.
    Hernando céda et se tourna de nouveau vers Rafaela. Elle le
regardait avec des yeux noisette qui, même dans la pénombre, révélaient son
chagrin.
    — Je…, commença-t-il pour justifier sa tentative de
fuite.
    — Je vous remercie de tout cœur de ce que vous êtes
prêt à faire pour moi, l’interrompit Rafaela.
    Hernando tressaillit. La douceur de la voix de la jeune
fille le bouleversa. Cependant, qu’avait-elle dit ? Miguel ! Il avait
osé ! La jeune fille reprit la parole :
    — Je sais que je ne vaux pas grand-chose ; mes
parents et mes frères ne cessent de me le répéter, mais je suis saine.
    Elle sourit et, comme pour ponctuer cette

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