Les révoltés de Cordoue
relâcha sa main, qu’instinctivement
il avait portée à la poignée de son épée.
Ils se rendirent à la maison de Pedro López, que leur avait
indiquée un soldat. Ils trouvèrent Brahim aux portes de la maison, au côté des
chefs et d’une foule de monfíes ; Abén Humeya était à l’intérieur, en
réunion avec ses conseillers.
— Que signifie… ? s’exclama son beau-père en
voyant Aisha et ses deux fils, avant qu’El Gironcillo, également présent, le
coupe.
— Bienvenue, mon garçon ! s’écria-t-il. Je crois
que nous allons avoir besoin de toi. Nous avons pas mal d’animaux blessés.
Aussitôt, El Gironcillo expliqua aux autres monfíes comment
Hernando avait soigné son alezan. Brahim attendit, furieux, contenant sa rage,
que le chef monfí finisse de chanter les louanges de son fils adoptif.
— Mais tu as abandonné le troupeau ! lança-t-il au
moment où El Gironcillo termina son discours. Et pourquoi as-tu ramené mes
fils ? Je t’ai déjà dit…
— Nous mourrons peut-être tous ici, l’interrompit
Aisha, haussant la voix à la surprise de son époux, mais pour le moment
Hernando nous a sauvé la vie.
— Les chrétiens, murmura alors le garçon, ont tué des
centaines de femmes et d’enfants aux portes de l’église de Juviles.
Immédiatement, les monfíes l’entourèrent et il leur raconta
avec tristesse ce qui s’était passé à Juviles.
— Viens, indiqua El Gironcillo avant même qu’il
termine, tu dois le répéter à Ibn Umayya.
Les soldats qui montaient la garde aux portes de la maison
les laissèrent passer sans problème. Hernando entra avec El Gironcillo. Les
gardes voulurent barrer l’accès à Brahim, mais celui-ci réussit à les persuader
qu’il devait accompagner son beau-fils.
Il s’agissait d’un bâtiment seigneurial à deux étages,
blanchi à la chaux, avec des balcons en fer forgé à l’étage supérieur et un
toit en tuiles à quatre pentes. À peine eurent-ils passé la garde, avant même
qu’on leur ouvre les grosses portes en bois qui donnaient accès à la vaste
pièce où se trouvait Abén Humeya, qu’Hernando sentit l’essence d’un parfum. Le
garde qui les accompagnait appela et ouvrit les portes, et une pénétrante odeur
de musc se mélangea au son d’un ud, un luth à manche court et sans
touches. Le roi, jeune, séduisant et superbe, était confortablement calé dans
un fauteuil en bois tapissé de soie rouge, entouré de ses quatre épouses ;
il dominait ainsi les autres personnes présentes, assises par terre sur des
coussins en soie entremêlés de fils d’or et d’argent, et de maroquins brodés de
mille couleurs. Le salon était décoré de tapis et de tapisseries ; une
femme dansait au centre.
Les trois hommes demeurèrent immobiles sur le seuil ;
Hernando, les yeux accrochés à la danseuse ; El Gironcillo et Brahim
examinant la pièce de tous côtés.
Abén Humeya frappa dans ses mains, mettant ainsi fin à la
musique et à la danse, et les fit entrer. Miguel de Rojas, père de la première
épouse du roi et riche Maure d’Ugíjar, plusieurs hommes importants de la
localité et des chefs monfíes comme El Partal, El Seniz ou El Gorri fixèrent
leur attention sur les deux hommes et le jeune muletier.
— Que voulez-vous ? demanda directement Abén
Humeya.
— Ce garçon apporte des nouvelles de Juviles, répondit
El Gironcillo de sa voix puissante.
— Parle, le pressa le roi.
Hernando n’osait presque pas le regarder. L’assurance
nouvelle qu’il avait ressentie la nuit précédente semblait l’avoir abandonné
comme par enchantement. Il commença son récit, bredouillant, jusqu’au moment où
Abén Humeya lui sourit ouvertement. Il reprit alors confiance en lui.
— Les assassins ! s’écria El Partal après avoir
entendu toute l’histoire.
— Ils tuent des femmes et des enfants ! s’exclama
El Seniz.
— Je vous ai dit que nous devions résister ici, dans ce
village, dit Miguel de Rojas. Nous devons nous battre et protéger nos familles.
— Non ! Ici, nous ne pourrons pas stopper les
forces du marquis…, répliqua El Partal.
Mais Abén Humeya lui donna l’ordre de se taire, apaisant
d’un signe de la main les autres monfíes qui, désireux d’attaquer de nouveau,
soutenaient qu’il fallait quitter les lieux.
— J’ai décidé que pour le moment nous resterions à
Ugíjar, déclara le roi, au grand mécontentement des monfíes. Quant à toi,
ajouta-t-il à
Weitere Kostenlose Bücher