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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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tuniques et de chaussons usés ; beaucoup
d’entre eux avaient de longues et fines moustaches. Toutefois, le plus
impressionnant était la quantité d’armes qu’ils portaient : arquebuses à
long canon, dagues et cimeterres.
    Ils avaient débarqué sur la côte des Alpujarras sous le
commandement de Dalí, ayabachi des janissaires, officier de haut rang
placé juste sousl’ agha, élu démocratiquement dans le diwan par les deux mille et quelques membres qui se trouvaient établis à Alger. Dalí
était accompagné par deux officiers janissaires : Caracax et Hosceni, et
tous trois étaient alors réunis avec Abén Humeya.
    Les janissaires avaient été créés comme une milice d’élite
aux ordres du sultan : des soldats fidèles et invincibles. Leurs membres
étaient recrutés obligatoirement parmi les enfants chrétiens de plus de huit
ans qui vivaient sur les vastes domaines européens de l’Empire ottoman, à
raison d’un toutes les quarante maisons. Après leur recrutement, on leur
enseignait la foi musulmane et on les entraînait comme des soldats. Lorsqu’ils
atteignaient le rang de janissaire, contrairement au reste de la population,
ils jouissaient d’une paie à vie et de nombreux privilèges. Ils disposaient en
outre d’une juridiction propre : aucun janissaire ne pouvait être jugé ni
châtié, même par le bey ; ils dépendaient exclusivement de leur agha qui,
dans tous les cas, les jugeait en secret.
    Les janissaires d’Alger, cependant, avaient cessé de suivre
le processus traditionnel des recrutements obligatoires parmi les enfants
chrétiens de l’Empire ottoman. Ceux qui avaient été initialement amenés à Alger
depuis l’Empire avaient été remplacés par leurs propres enfants ou par d’autres
Turcs, et même par des chrétiens renégats, mais jamais par des Arabes. Les
Arabes n’avaient pas le droit d’accéder à l’armée d’élite ; les
janissaires constituaient une caste privilégiée. Ils se consacraient au pillage
des villages. Et à Alger, sûrs d’eux, confiants en leur pouvoir et en leurs
prérogatives, ils agissaient avec le plus absolu mépris à l’égard des autres habitants,
volant et violant des femmes et des enfants. Personne ne pouvait toucher un
janissaire !
    Les deux cents hommes que le sultan ordonna au bey d’Alger
d’envoyer afin de contenter les Maures arrivèrent en Al-Andalus pour se battre,
sans toutefois perdre leurs privilèges. Hernando en fut témoin, tandis qu’il
attendait, aux portes de la maison du greffier majeur, que l’arquebusier de la
garde d’Abén Humeya revienne avec la réponse du roi.
    Pendant ce temps, il s’efforça de vaincre sa curiosité et
d’éviter que son regard poursuive les janissaires qui traînaient devant le
bâtiment.
    — Tu as des nouvelles de Brahim, le muletier ?
demanda-t-il distraitement à un arquebusier resté à la porte. C’est mon
beau-père.
    — Hier soir, lui répondit celui-ci, il est parti avec
Ibn Abbu et une compagnie d’hommes à Poqueira. Le roi a nommé son cousin
alguazil de Poqueira et, à son tour, Ibn Abbu a nommé ton beau-père son
lieutenant.
    — Combien de temps vont-ils rester à Poqueira ?
questionna-t-il encore, cette fois sans pouvoir dissimuler son enthousiasme.
    L’arquebusier haussa les épaules.
    Brahim était parti ! Il se tourna en souriant vers le
souk qui s’étendait devant la demeure, au moment où passait un vendeur qui
portait sur son dos un grand cabas rempli de raisins secs. Un des janissaires
se servit une poignée de raisins. L’homme se retourna et, sans réfléchir,
poussa celui qui venait de lui voler son humble marchandise.
    Tout se passa en un instant : les janissaires
n’adressèrent pas le moindre reproche au vendeur mais, brusquement, ils
l’immobilisèrent à plusieurs : l’un d’eux lui saisit le bras et celui
qu’il avait bousculé lui trancha la main à la hauteur du poignet d’un coup de
cimeterre, rapide et efficace. La main atterrit dans le cabas aux raisins secs,
puis l’homme fut congédié à coups de pied et les janissaires reprirent leur
conversation comme si de rien n’était ; tel était le châtiment pour celui
qui osait toucher un soldat du sultan de la Sublime Porte.
    Hernando fut incapable de réagir et demeura immobile, les
yeux fixés sur la traînée de sang que laissa le vendeur de raisins secs
derrière lui avant de s’écrouler à quelques pas de là. Il était si pensif que
l’arquebusier de la

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