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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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intervention, mais une fois la majorité acquise, le roi avait
fait sienne une décision qui entrait si bien dans ses vues et l’appliqua avec
la dernière vigueur. La maxime que se prescrivit Louis dès le premier jour où
il fut le maître était, après discussion, de faire voter les membres du Conseil
et de suivre l’avis de la majorité, mais point quand cet avis contredisait son
intime conviction. Il tranchait alors de son propre chef, comme bien on verra
dans l’affaire des Jésuites.
    Les séances du Conseil se tenaient au Louvre, au second
étage, dans le cabinet aux livres. C’était une belle salle, décorée de
bibliothèques vitrées, entre lesquelles on avait tendu des tapisseries. Louis
s’asseyait au haut bout de la table, le chapeau sur la tête. À sa gauche et à
sa dextre, assis deux par deux, les quatre secrétaires d’État, couverts eux
aussi, avaient pris place. Le reste de l’assistance, y compris les princes et
les ducs, se tenait debout et nu-tête.
    Étant lui-même si laconique, Louis exigeait de ses ministres
la plus grande brièveté. Dès que l’un d’eux parlait, il enfonçait son chapeau
sur la tête, croisait les bras, et l’écoutait, la face imperscrutable, avec la
plus grande attention. Il n’interrompait jamais. Le prince de Condé s’étant
risqué un jour à couper la parole à un secrétaire d’État pour faire une
objection, Louis leva la main et lui dit d’un ton sans réplique :
    — Mon cousin, je laisse librement tout un chacun
opiner. Vous aurez donc tout loisir de parler à votre tour.
    Pour moi, dans les débuts du moins, j’étais frappé du
contraste que présentait la juvénile face de mon roi, ronde et lisse, avec celles,
fripées et vieilles, des ministres. Il y avait là Brûlart de Sillery,
chancelier, chef du Conseil ; Du Vair, garde des Sceaux ; Jeannin,
surintendant des Finances ; et Villeroy. Tous les quatre avaient passé la
soixante-dixième année, et Louis pouvait se ramentevoir les avoir vus plus
d’une fois en ses enfances quand, à huit ans, debout entre les jambes de son
père, il assistait d’un bout à l’autre, sans piper ni broncher, à une séance du
Conseil des affaires.
    La neige de l’âge, depuis ce temps, avait recouvert les
cheveux clairsemés des Barbons, mais ils n’avaient rien perdu de leur
savoir-faire. Chacune de leurs rides épelait une longue expérience. Ils
connaissaient les rouages, les procédures, les dossiers, les précédents. Et
pour Louis, si jeune et si anxieux de bien gouverner, ces anciennes colonnes
qui, depuis tant d’années, soutenaient l’État, avaient quelque chose
d’émerveillablement rassurant.
    Depuis la mort de son père, loin de le préparer à son métier
de roi, tous les soins, bien au rebours, avaient été pris pour le rendre inapte
à l’exercer. Une instruction sommaire, intermittente et prématurément close,
qui se termine quand il a treize ans ; une instruction en elle-même très
incomplète : beaucoup de déclinaisons latines, un brin de cartologie, peu
d’histoire, aucune langue étrangère, et pas tout à fait autant de mathématique
qu’il l’eût voulu, la trouvant « très utile à l’artillerie et aux
fortifications » ; et une assistance, sous la reine-mère, fort peu
encouragée, c’est le moins qu’on puisse dire, au Conseil des affaires.
    Je n’entends point céans noircir plus qu’il ne faut cette
princesse que son opiniâtre orgueil poussa de sottise en sottise à une fin si
malheureuse qu’elle force la pitié. Mais il est constant, et par tous avéré,
que la régente aimait le pouvoir et ses fastes au point de voir en son fils le
rival qui les lui arracherait, et que pour cette raison il lui fallait
rabaisser, isoler, réduire. Ce qu’elle fit, étant étrangère à tout sentiment
tendre, avec une morgue et une férocité qui étonnent chez une femme, à plus
forte raison chez une mère.
    Louis avait l’esprit trop fin et la volonté trop forte pour
que la reine-mère pût complètement réussir, mais à mon sentiment elle n’échoua
pas non plus tout à plein. Il fallut à Louis bien des années encore pour se
défaire du sentiment d’humiliante infériorité qu’elle lui avait inculqué.
    Deux circonstances me paraissent avoir accru ce peu de
fiance que Louis avait en lui-même en l’aurore de son règne. Il n’avait jamais
réussi tout à fait à corriger son bégaiement, et dans une grande mesure, pour
le dissimuler il prit en

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