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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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pour premier effet de provoquer un court-circuit qui coupa le courant à haute tension. M gr  Cegjelka et moi nous nous précipitâmes, comme les autres, dans un tumulte de cris et de rafales de mitraillette tirées par on ne sait qui.
    — La jeep était pilotée par un chauffeur juif allemand qui, détenu à Dachau avant la guerre, avait réussi à s’enfuir, puis à gagner l’Amérique, et s’était engagé dans l’armée en se jurant d’être le premier à revenir ici, pour y faire entrer les Alliés. Derrière lui se tenait assis un soldat d’origine polonaise. Et, à côté de lui, l’Américain le plus typiquement Far-West qu’on pût imaginer   ; bardé de cartouchières et de pistolets. Mâchant du chewing-gum, il tirait des coups de feu en l’air pour saluer notre libération.
    — Le vénérable M gr  Cegjelka se jette à son cou et l’embrasse très fort sur ses deux joues, qui étaient très sales. L’Américain prend un chiffon, essuie la poussière mêlée de cambouis qui recouvrait son visage, sort de sa poche revolver un étui de cuir, l’ouvre, en sort un bâton de rouge et un miroir, puis, à notre stupéfaction, se fait un magnifique make up   : il s’agissait de Margaret Higgins, la fameuse et intrépide journaliste   ! Le pauvre M gr  Cegjelka ne savait plus où se mettre…
    — Un Américain (248) monte au grand mirador qui domine la place. Il met au moins vingt minutes à obtenir un peu de silence. Enfin, il crie en anglais   : « Je suis un aumônier. En de telles circonstances la première chose à faire c’est la prière Your Father …  » À sa descente, il est porté en triomphe.
    *
    Après (249) quelques minutes d’un enthousiasme délirant, monstrueux, kolossal, la chasse aux S.S. s’organise. Je rencontre un petit groupe de Polonais, mitraillette au poing, malmenant un S.S., mains en l’air. Ses papiers sont jetés à terre… Sur une photo, je vois une femme avec des enfants.
    — Moi, pas S.S.   ! répète le malheureux…
    Je ne peux m’interposer   : je ne fais pas le poids. Je tourne les talons. Une rafale de mitraillette crépite. Il est étendu raide…
    Je m’éloigne triste… triste, dans la joie indescriptible qui submerge le camp   ; je n’ai pas le réflexe de tracer sur lui le signe de pardon.
    C’est la loi du plus fort qui continue de sévir. Mais c’est une justice que je comprends et que je ne peux approuver en mon âme et conscience.
    *
    Le R.P. Humbert se rend à la chapelle   :
    — Un prêtre allemand célèbre la messe. Quelques officiers et soldats américains s’approchent de l’autel pour communier. Un prêtre monte en chaire et improvise une allocution, magnifiant le geste de nos libérateurs communiant de la main d’un prêtre allemand. Son allocution fut suivie d’un Te deum très mal chanté tant l’émotion nous serrait la gorge. Cela ne peut se raconter, il faut l’avoir vécu. Pour comprendre la liberté, il faut en avoir été privé.
    — Dans la semaine qui suivit, alors qu’il y avait encore environ dix mille typhiques, arrivèrent à Dachau pour soigner les malades trois religieuses franciscaines, missionnaires de Marie. Je les vis descendre la lagerstrasse, les yeux baissés, les mains dans leurs manches, perdues au milieu de cette masse humaine. Je les accompagnais, et tout le long du parcours j’entendais dire   : « Oh des Sœurs. » Le mot était bien choisi.
    — Tandis que le R.P. Riquet partait en France alerter l’opinion publique sur les camps de concentration, les prêtres de Dachau organisèrent, sur la place d’appel, un service funèbre pour les morts de ce sinistre camp (250) .
     
    L’abbé Tauziède et une dizaine d’ecclésiastiquesfrançais répartissent le ravitaillement apporté à Dachau par les camions de l’armée de Lattre   :
    — Une équipe (251) de prisonniers allemands (chacun son tour), nous est confiée pour les différentes corvées. Finie l’arrogance de la race des seigneurs. Ils sont dépenaillés, mal rasés, sales, amaigris. Dans quelques jours, pour nous, c’est la liberté, l’ivresse du retour. Pour eux, les combats sont terminés, mais ils vont connaître la captivité, les privations. Malgré tout ce qu’ils représentent d’odieux, de cruel, d’inhumain, je ne peux me retenir d’aller au secours de leur détresse   : je leur donne du pain blanc, du savon, quelques conserves… Dans leur regard une lueur de reconnaissance me

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