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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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jours. Ce brassage du peuple et du prêtre a été providentiel. La spiritualité sulpicienne avait mis l’accent sur la séparation du prêtre d’avec le monde. La Résistance opérait en sens inverse, immergeant le sacerdoce en pleine pâte humaine. Le séjour dans les camps de prisonniers et de déportés acheva cette osmose et commença à marquer un tournant de l’Église. La pauvreté – témoignage essentiel de l’affirmation évangélique – les prêtres déportés l’ont vécue jusqu’à la nudité. Dans les camps, nous n’avions rien, pas même un mouchoir, pas même une cuillère, soumis au même travail que les autres, aux mêmes souffrances, habillés des mêmes guenilles, couchant dans le même dortoir, parfois dans le même lit, mangeant à la même gamelle, brûlés dans les mêmes crématoires, nous n’étions plus des êtres séparés, mais des frères de misère témoins de la foi. M gr  Piguet, sous l’habit du bagne, apparaissait moins comme un évêque que comme un successeur des Apôtres, semblable à saint Paul en prison.
    Cependant, ici, une question se pose   : les prêtres ont-ils joui d’un privilège spécial dans les camps   ? À Neuengamme certainement pas. Au contraire, bien des gardiens sachant notre sacerdoce, s’acharnaient contre nous. Je n’ai rencontré qu’un seul SS, vieux d’ailleurs, à Salzghiter, qui fut pour nous un peu humain. L’abbé Cariou, dans une conversation intime, lui fit comprendre l’inanité du régime nazi, et faisant appel à sa foi endormie, le tourna vers le Christ, ce qui eut pour effet d’accroître sa bienveillance.
    Pour beaucoup, la concentration fut une épreuve vaillamment supportée, une croix. Certains semblent être montés proches de la sainteté, tel l’abbé Gay, vicaire de Nantua, disant la veille de sa mort   : « Si ma vie est nécessaire pour faire cesser ces massacres, je l’offre volontiers. » Et d’autres dont Dieu seul sait le nom.
    Il me semble, à y réfléchir après 25 ans, que j’aurais dû aller jusqu’au bout et donner le témoignage suprême, mais ceci est une grâce que Dieu n’accorde pas à tous, il faut l’avoir méritée. Je ne veux pas faire le malin. Quand on voit la mort de près, on se cramponne instinctivement à la vie, et j’ai fait comme les autres. Alors j’essaye de remplir le mieux possible ce surcroît de vie que Dieu m’a donné, tout en faisant appel à l’indulgence de ceux qui sont restés là-bas.
    Chacun avait fait telle ou telle promesse à Dieu s’il rentrait en France. Personnellement j’avais promis que, si je rentrais vivant à Lyon, je n’entrerais sous aucun toit avant d’être monté à Fourvière. J’ai tenu ma promesse et, en me jetant aux pieds de Notre-Dame, la prière de Péguy me revint aux lèvres   :
    « Mère voici tes fils qui se sont tant battus
    Qu’ils ne soient pas jugés sur une basse intrigue
    Qu’ils soient réintégrés comme le fils prodigue
    Qu’ils aillent s’écrouler entre vos bras tendus. »

Annexe II
    Ce qui détermina (254) mon entrée dans la résistance active ce fut une réflexion que je me fis et qui déjà avait trait à mon état sacerdotal.
    J’étais depuis avant la guerre aumônier de jeunes. De ce fait, après m’être évadé de la captivité militaire en 1940, j’étais revenu à Tours reprendre les mêmes fonctions qu’auparavant. Je ne craignais pas d’être recherché, mon évasion ayant eu lieu avant qu’on ait enregistré nos noms. Auprès des jeunes rassemblés à petit bruit, je me contentai d’abord d’entretenir un esprit de résistance morale et spirituelle. Trop de gens en effet se laissaient, à l’époque, impressionner par le succès matériel du III e  Reich. Son culte de la force, sa remarquable discipline, allant jusqu’à l’abdication des consciences devant le «  FUHRER-PRINZIP  » – le chef a toujours raison, rien ne dispense de lui obéir, quoi qu’il commande – le culte du sang et de la race, avec ses conséquences d’antisémitisme et de mépris des « races inférieures », tout cela ne risquait que trop d’envahir de jeunes esprits, humiliés par la défaite de leurs aînés et pas encore très affermis dans leurs idées. Réagir n’était que trop nécessaire. Pour commencer ce fut la seule forme de résistance qui me parut compatible avec mes fonctions.
    Mais peu à peu l’attitude que j’avais adoptée fit qu’on me demanda des services   ; intervenir

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