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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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changer de camp. Une nouvelle fois le commandant Sporrenberg s’est bien fichu de nous. Si tu peux rentrer dis au revoir à ma femme et maintenant donne-moi l’absolution.
    Coup de sifflet.
    — 7468.
    Le 7468 c’est Pierre Maroldt, le frère de l’abbé.
    — Pierre, il faut se quitter.
    — Tu crois en cette histoire de changement de camp   ?
    — Je pense plutôt que nous allons être traduits devant le « Sondergericht » (le tribunal spécial). C’est mauvais. Ça va tourner mal.
    Les deux frères s’avancent vers le placard où ils ont rangé leurs provisions   : deux minuscules morceaux de fromage.
    — Moi je te dis que si nous allons devant le tribunal, je m’arrangerai pour sauter du camion. Le tout pour le tout   !
    — C’est notre dernier jour, Pierre, c’est trop tard pour fuir. Prends le fromage. Je peux te le dire maintenant. Nous allons mourir avec les autres. Les Polonais des pommes de terre ont creusé cette nuit une grande fosse.
    — Une fosse   ?
    — Qu’importe   ! Nous n’avons plus de temps, les S.S. s’impatientent. J’ai eu le courage de te dire ça, parce que moi aussi je suis sur la liste. Pierre, ta conduite a toujours été celle d’un homme. Ces derniers temps d’un héros. Tu n’as pas bronché sous les interrogatoires. Tu n’as dénoncé personne. Sache que c’est bien une vertu chrétienne de mourir pour son pays. Alors, si c’est nécessaire, accepte aussi la mort, je vais te donner l’absolution   ; le S.S. pénètre dans le block.
    — Ça vient   ? Que se racontent ces deux jolis frères   ? Allez, sors.
    — Je lui donne la moitié de mes provisions. Une seconde   ?
    Le S.S. éclate de rire.
    — Il n’a plus besoin de manger.
    — Mais si   ! Dans cet autre camp, il aura aussi besoin de nourriture. Nous avons toujours partagé.
    — Imbécile, il n’a plus besoin, de manger.
    Le S.S. sort.
    — Je (162) voulais quand même laisser une chance à mon frère, une petite chance d’espoir, lui montrer que je n’étais pas trop sûr de ce que je disais tout à l’heure au sujet des exécutions. Il prit les deux morceaux de fromage. Je m’étais retiré derrière le lit où il devait prendre sa couverture. Il me suivit quelques instants après… Il disait   : « Tu as raison, donne-moi l’absolution… Je suis prêt… embrasse Margot (sa femme)… il faut partir. » Il jeta la couverture sur son épaule, me serra la main et sortit. C’est ainsi que je le vois encore après vingt-cinq ans. Je ne sais pourquoi j’étais si calme. Je me disais   : « Tu n’es pas seulement son frère, tu es aussi prêtre, tu ne dois pas perdre les nerfs car c’est bientôt fini pour nous tous. D’autres S.S. rentrent. Coup de sifflet. J’avais le numéro 7505. On appela le 7502, le 7503, le 7504… Je faisais toujours mon « devoir » . J’adressai à chacun quelques mots, je donnai l’absolution, je recueilli les dernières volontés, les derniers messages, les derniers adieux (en particulier pour les femmes de Koob, Kuhn, Lemmer)… J’attendais mon numéro… Alors on cria 7507. C’était celui de Tony Noesen. On avait sauté Maroldt et Neumann… Alors, je commençai à trembler. Mes nerfs allaient-ils lâcher   ? « Non, non, pensai-je, tu ne dois pas te laisser aller. Tu es prêtre. Tu as des amis qui vont mourir. Tu dois les soutenir, les aider » et je me dirigeai vers Tony en tremblant. Les S.S. me laissèrent faire. Toujours le même cauchemar. Je faisais de mon mieux… Vingt-trois déportés furent « retenus » ce jour-là. Ils étaient rassemblés devant le bureau du commandant. Un autre prêtre, l’abbé Auguste Wampach passa rapidement devant le groupe et leur donna l’absolution. Puis les vingt-trois partirent vers les fosses, vers la mort…

CHAPITRE XVI

AUSCHWITZ
    — La Gestapo   !
    — Attention la Gestapo   !
    En ce matin de mai 1941, une dizaine de voitures blindées cernent la paroisse Saint-Stanislas et le petit séminaire de Cracovie. Un quart d’heure plus tard, onze prêtres et un religieux laïc, – accusés de tous les crimes de la terre   : diffusion de journaux clandestins, émissions radiophoniques, résistance armée – se retrouvent enchaînés sur le plateau d’un camion (163) .
    Le centre d’accueil de la Prison centrale Montelupi a l’habitude de « traiter » les ecclésiastiques   :
    — Toi la première « Merde Noire », ici   !
    — Toi…
    Et sans autres

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