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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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serions nombreux, moins il y aurait de risques de fuites. Nous ne fûmes que cinq ou six à être de la conspiration et, la nuit de Noël, vers 11 heures, nous demandâmes à un jeune officier luxembourgeois, nommé Albrecht – aujourd’hui colonel et directeur du comité de la Défense nationale – de monter la garde, avec François Krajweski, ce Kapo qui nous avait aidés bien qu’il fût communiste   : il est mort maintenant et Dieu lui aura sûrement tenu compte de ce qu’il fit cette nuit-là. Mon confrère « Papa Keup » avait préparé sa messe, bien entendu sans aucun ornement. Un mouchoir propre tenait lieu de corporal et de drap d’autel à la fois, un autre mouchoir servait de purificatoire, et un verre propre remplaçait le calice. Les burettes étaient pareillement improvisées, et je ne me souviens pas que nous ayons pu nous procurer des bougies.
    — Au tout dernier moment, « Papa Keup » s’écria   : « Mon Dieu, je sais bien des choses par cœur, mais je ne sais pas tout le canon de la messe, et surtout pas celui de la messe de minuit   ! » Or, on nous avait laissé la liberté de posséder un bréviaire, mais nous n’avions pas de missels   : « Moi j’en ai un   ! dit Albrecht. »
    — Comment avait-il réussi à faire entrer un missel dans le camp, je ne l’ai jamais su. Mais, le sortant de sa poche il me le tendit. C’est ainsi qu’au Hinzerts S.S. Sonderlager fut célébrée la messe de minuit de Noël 1942, au cours de laquelle papa Keup consacra une bonne centaine d’hosties. La question était maintenant de conserver les Saintes Espèces que nous ne pouvions laisser entre les mains de notre brave Krajweski. Deux ou trois de nos compatriotes, qui travaillaient au Revier, et dont la situation était un peu moins précaire que la nôtre, cousurent des sortes de petites bourses où l’on mit les hosties, et qu’ils portèrent à même la peau, pendues au cou, pendant une quinzaine de jours (161) . C’est ainsi que nous avons pu communier ceux qui allaient partir pour Lublin.
    *
    Le 25 février 1944, le camp est consigné. Un seul Kommando – celui des pommes de terre – est « autorisé » à travailler. Après vingt minutes de « pluches », les déportés regagnent leur block. Aloyse Sand, un Luxembourgeois de Bech-Kleinmacher se précipite aussitôt dans le fond de la pièce où l’abbé Robert Maroldt lit son bréviaire   :
    — Priez pour nous tous, monsieur l’abbé, on va fusiller des Luxembourgeois…
    — Allons   ! doucement   ! doucement   !
    — Je vous dis… les Polonais qui étaient avec moi aux pommes de terre, m’ont raconté qu’ils ont passé plusieurs heures cette nuit à creuser un fossé de dix mètres de longueur, deux de largeur et deux de profondeur   ; je vous dis, on va certainement fusiller des Luxembourgeois, comme il y a dix-huit mois.
    — Ne sois pas si énervé…
    — Vous en avez de bonnes   ! Moi je suis de la partie.
    — Si ce que tu dis est vrai, nous sommes tous en danger   : toi, moi, les autres.
    L’abbé Maroldt se retourne et aperçoit Christian Calmes qui, comme lui, a hébergé un pilote américain. Calmes a entendu les dernières phrases de Sand   :
    — J’ai mal   ! J’ai mal   ! Ma femme   ! Mon enfant   ! Mon enfant est né il y a trois semaines. Je ne l’ai jamais vu. C’est un garçon. On m’a dit que c’était un garçon…
    L’abbé Maroldt lui prend la main.
    — Allons   ! S’il faut mourir, on acceptera le sacrifice suprême pour la libération de notre cher pays   ; pour la liberté tout court.
    Coup de sifflet.
    — Glesener au bureau.
    Glesener sourit.
    — Ce n’est rien, on va nous changer de camp.
    Coup de sifflet.
    Une voix hurle un numéro.
    L’homme ramasse ses pauvres affaires   ; l’abbé Maroldt se glisse près de lui   :
    — C’est vrai monsieur l’abbé qu’on nous change de camp   ?
    — Je ne sais pas ce qu’on va faire au juste, mais pour le moment, récite ton acte de contrition.
    — L’acte de contrition   ?
    — Ne sois pas inquiet   ! Il se peut que nous soyons séparés, qu’on ne se voie plus… alors il vaut mieux être en règle avec le bon Dieu.
    — Vous avez raison. Donnez-moi l’absolution.
    Coup de sifflet.
    Appel d’un numéro.
    Derrière les lits, couché sur le sol, l’abbé Maroldt console…
    —  Ego te absolvo.
    C’est au tour d’Aloyse Sand.
    — Cette fois l’abbé c’est fini. Pas question de

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