Les sorciers du ciel
l’absoudre. Frantz vint donc demander un prêtre pour cet office, mais prétendit que la confession fut faite à haute voix et en allemand. Le père Harazim passa par cette exigence infâme et le père Mabrianec fit descendre sur l’infortuné le pardon suprême.
— Une quatrième victime devait bientôt le rejoindre dans cette tombe anonyme : le père Wojeichowski, taillé en hercule celui-là ; aussi son bourreau n’en vint-il pas à bout aisément. Pour en avoir raison, il lui fallut redoubler de fureur : ses coups de gourdin au travers du visage furent d’une telle violence, qu’il lui démolit presque entièrement les mâchoires. Cette scène de sauvagerie s’acheva par la poussée dans le cratère, aux côtés du père Harazim agonisant. Comme tous deux se débattaient contre la mort, le premier faiblement, le second avec énergie, le Kapo trouva le moyen de les achever rapidement en les étranglant à l’aide d’une longue masse de fer qu’il appuya lentement et de toute sa force sur les cous des moribonds.
— Quatre victimes en un jour : beau tableau de chasse ! Une cinquième fut cependant encore acheminée vers la tombe, le père Antoniewicz, recteur de notre séminaire de Cracovie. Son corps, au soir de ce jour, ne paraissait qu’une plaie ; sa face était toute tuméfiée par l’abondance et la vigueur des coups. Heureusement à 4 heures de l’après-midi, il y eut un répit, dû à l’inspection du chef de camp (170) . Mais lui parti, les sévices reprirent de plus belle. Après l’appel du soir, le père Antoniewicz dut sortir des rangs pour un jeu cruel : se jeter à terre et se relever de suite, pour recommencer sans arrêt. Après quoi, on lâcha les chiens sur lui, puis ce fut une dernière volée de coups de bâton. À ces supplices raffinés, le Père ne résista pas longtemps : sa nuit fut une lente agonie et à l’aube il trépassait.
Cinq autres Salésiens devaient, à peu de distance, le suivre dans la mort : les pères Niemir, Czaderna, Mroczek, Wfbraniec et Kowalski. Puis « Frantz le sanglant » se chercha et se trouva de nouvelles victimes.
*
Son Éminence le Cardinal Hlond, primat de Pologne, dont la tête était mise à prix, réussit à gagner le Vatican dans les premiers jours de l’invasion de son pays. Jusqu’au débarquement sur les côtes normandes, il reçut en France et en Italie des courriers clandestins. Au mois d’août 1944, il était arrêté à son tour, déporté en Westphalie. Mais le cardinal Hlond avait eu le temps d’accumuler et de communiquer à Pie XII une masse de documents et de renseignements sur la « solution polonaise ». Le cardinal avait également donné ordre aux prêtres qui étaient encore libres, sur le territoire, d’organiser la résistance mais aussi d’aider matériellement les déportés. Au moins deux prêtres firent pénétrer à Auschwitz des hosties consacrées et même, semble-t-il, plusieurs valises-chapelles. Il m’a été jusqu’à ce jour impossible de retrouver des témoins directs de ces faits, mais des survivants du camp affirment avoir « entendu dire » qu’un prêtre avait été envoyé à Berlin, parce qu’il avait célébré une dizaine de messes dans l’enceinte même des fours crématoires… Il était de Poznam. Le docteur Miklos Nyiszli, qui a fourni avant de mourir le témoignage le plus complet sur les Kommandos des Fours (171) ne parle pas de ce prêtre…, mais il est vrai que le médecin n’est arrivé dans l’enceinte interdite qu’après la liquidation totale des onze premiers groupes de déportés chargés de gazer les arrivants et de les brûler. Cependant, dans une conférence prononcée à Budapest, en 1946, le docteur Miklos Nyiszli fait allusion à ce prêtre : « Avec l’or des crématoires on pouvait tout obtenir, y compris des hosties… » Et qui aurait pu désirer des hosties, dans ce sonderkommando composé en général de Juifs, sinon un prêtre catholique ?
Dans le crématoire n ° 2, une salle était occupée par des fondeurs d’or ; cet or si utile aux achats, aux échanges.
— C’est ici (172) qu’aboutissent toutes les dents et prothèses en or qui ont été ramassées dans les quatre crématoires, les bijoux, les monnaies d’or, les pierres précieuses, les objets en platine, les montres, les porte-cigarettes en or et tout métal précieux que l’on ramasse dans les malles, dans les vêtements ou sur les
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