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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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vivant d’ici. Ils n’ont pas le droit de vivre. Quant à vous autres prêtres, si vous êtes loyaux pour les autorités allemandes, si vous travaillez ferme, on verra.
    Silence.
    — Pas de questions   ?
    Silence.
    — Allez dormir.
    Le block II abrite la section pénale   :
    — Véritable (169) enfer, où l’on n’entendait que maudire, hurler, blasphémer, se battre et le reste. Cette nuit, fut totalement blanche et à 3 h 30, le premier appel sonna. Puis, au travail   ! Chaque condamné reçut une lourde brouette, un pic, une pelle. Le travail consistait à détacher, à coups de pic, des pierres d’une carrière, à les jeter dans la brouette, et à aller la déverser à cinquante mètres de là dans d’immenses cratères. Ce travail déjà épuisant par lui-même devait être effectué en courant. Inutile de dire qu’il était au-dessus des forces de ces religieux, non habitués à ce genre de tâche et vieillards pour la plupart.
    — Le premier à tomber fut le père Swierc, curé de notre paroisse de Cracovie. Il était déjà malade quand la Gestapo vint le prendre. La première matinée de travail qui suivit cette nuit d’épouvante, en fit une loque. C’est alors qu’entra en lice celui que, par la suite, nous baptisâmes   : Frantz le sanglant. « Alors quoi, tu ne veux pas travailler   ? jeta-t-il à ce pauvre vieillard qui n’arrivait plus à soulever son pic. Attends   ! je vais te frotter les os. » Et à grands coups de bâton, il le frappa à la tête. Le bon père Swierc s’écroula, pour se relever bientôt dans un sursaut d’énergie, et courut prendre sa brouette   ; mais son bourreau le suivit en le harcelant de ses cris. Le pauvre vieux, sentant sa fin prochaine, murmurait entre ses dents   : « Mon Jésus, mon Jésus   ! » Le Kapo entend cette oraison   ; elle redouble sa fureur   : « Ton Jésus   ! Ton Jésus   ! attends, je vais te le montrer, ou plutôt regarde, s’il vient à ton secours. Tiens   ! Tiens   ! » Et les coups pleuvaient avec les blasphèmes. Le prêtre s’écroula. Alors les coups de pied entrèrent en danse, sur la tête, sur le ventre, la poitrine. Un œil du vieillard sauta. Le crime touchait à sa fin.
    — À ce moment, le cher curé jeta un dernier regard éteint, à ses frères en religion, comme pour leur donner le suprême adieu, tandis que la brute s’acharnait sur son reste de vie. Il ne s’arrêta de frapper que quand le corps ne bougea plus. Quelques instants après le cadavre partait pour le four crématoire.
    — La deuxième victime de cette lugubre journée fut le père Dobiasz. Il dut, à bout de forces, suspendre son travail   ; Frantz le vit   : « Ah   ! toi aussi, tu refuses de travailler. C’est plus facile, hein, de débiter des sornettes à tes ouailles que de manier la pelle, grand paresseux   ! Tu préfères exploiter la crédulité publique que de rouler une brouette. Allons   ! Jette-moi ces pierres sur la brouette et cours au ravin. » Le père Dobiasz réussit à charger son véhicule, mais pas à le soulever. Alors les coups de bâton lui tombèrent sur tout le corps. Un suprême effort et la brouette démarra. Mais arrivé au ravin, il fut incapable de la retourner. Voyant cela Frantz le jeta dans le trou avec la brouette. Le père se ravisant tenta d’en sortir, mais chaque fois qu’il arrivait sur le bord, une volée de coups l’accueillait. Enfin, il s’écroula et rendit son âme à Dieu.
    — Quand les survivants retournèrent à leur block, ils furent incapables de prendre la moindre nourriture. Excès de fatigue, excès d’émotion   : rien ne pouvait entrer dans leur estomac. Ils n’avaient que deux désirs   : s’asseoir un peu, tant leur lassitude était grande, et se préparer à mourir.
    — L’après-midi, après l’appel, on repartit à la carrière. La chaleur accablante ajouta encore à la fatigue de ces corps qui, depuis la veille, n’avaient rien absorbé. Le premier à tomber, ce soir-là, fut le père Harazim. Une maladie de cœur le travaillait déjà   : ces émotions et ces travaux excessifs lui enlevèrent le reste de ses forces. Il s’arrêta épuisé. Le Kapo fut vite sur lui et la sinistre besogne recommença   : coups de pied, coups de bâton, poussées brutales dans le ravin. Après l’une de celles-ci, le père n’arriva plus à regrimper. Il demeura agonisant au fond, suppliant qu’on lui amenât un de ses confrères pour

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